vendredi 25 juillet 2014

Chronique du Journal du Dimanche.

Chronique.


Les phénomènes les plus extraordinaires en tous genres se produisent aujourd'hui. 
Dans le comté de Mérange, aux Etats-Unis, des chasseurs viennent de retrouver une femme sauvage.
Elle est de taille moyenne, vêtue de pampres, et court avec une rapidité extraordinaire, sautant par dessus tout, comme une chèvre.
Lorsque les chasseurs la virent, elle était accompagnée d'un grand bélier d'une blancheur remarquable, à la laine duquel elle se cramponne pour gravir les rochers. Le bélier lui paraissait très-dévoué, remplissant près d'elle le rôle de protecteur, la défendant et l'aidant à fuir le danger.
Voici ce qui paraît s'être passé.
Il y a une quinzaine d'années, la petite fille d'une française établie dans ces contrées se perdit dans la campagne avec un mouton qui la suivait d'ordinaire. On n'en entendit plus parler, et on la cru morte.
Maintenant, il y a tout à croire, que cette femme sauvage n'est autre que la petite fille perdue, qui a pu vivre et grandir dans ces forêts peu dangereuses, d'une température douce, et féconde en fruits naturels de tout espèce.
On parle d'un crime inouï.
La grande poudrière de Saint-Chamas est située sur un terrain nu, entre le bord de la mer et un colline taillée à pic. On avait cru éloigner ainsi les dangers de ce terrible bâtiment, dans lequel les ouvriers ne marchant que chaussés de sandales de cuir au milieu des flots de poudre, déposant doucement à terre leurs fardeaux, observant sans cesse si quelque rayon de soleil, reflété par les vitraux, ne vient pas tomber sur la matière inflammable. Et toutes les précautions possibles semblaient prises.
Cependant, l'un des premiers jours d'avril, à l'heure où les ouvriers, après le repas, viennent reprendre leur travail, un poudrier, en rentrant, y fit une étrange découverte.
Dix mille kilogrammes de poudre reposaient là, disposés en galette que l'ouvrier devait briser. Au dessous de l'un de ces blocs, il distingua un objet bleuâtre qu'il ne put reconnaître. mais, lorsque ses compagnons vinrent l'aider à découvrir cet objet, avec des soins minutieux et une patience sans borne, ils reconnurent douze tête d'allumettes chimiques coupées et à demi cachées à l'ombre du bloc de poudre.
Si le regard de l'ouvrier n'était pas tombé là, si le moindre choc avait eu lieu, c'en était fait de tous ces malheureux poudriers et du village entier de Saint-Chamas.
Tout le monde se demande alors quel est le monstre qui a pu commettre cette tentative sans nom.
On se souvient aussitôt d'un jeune homme qui a pénétré dans l'atelier à l'heure du repas et qui s'est aussitôt éloigné. De toute part on se met à sa recherche. En même temps le regard d'un ouvrier l'aperçoit debout, immobile sur la colline à pic qui domine la poudrière, et il attend que le premier coup frappé par les travailleurs sur la poudre lui donne l'épouvantable spectacle qu'il envie.
Ce jeune homme, nommé Mouttet, n'est âgé que de dix-huit ans. On ne peut comprendre son crime qu'en lui supposant la nature infernale de Néron, aimant la destruction, la mort pour elle-même. 
Un crime qui a également quelque chose de bizarre vient d'être commis plus près de chez nous.
M. V... , ancien magistrat, âgé de plus de soixante ans, habitait un appartement garni, au passage du Havre, dans le quartier de la Madeleine. Sa vie était fort régulière et elle paraissait douce et agréable. 
Un matin, on vit descendre de la maison un homme bien vêtu, qui dit à l'un des domestiques:
- M. V... m'avait donné rendez-vous à neuf heures pour aller avec lui chez son joaillier; mais je viens de sonner inutilement chez lui... il est sans doute sorti; je repasserai plus tard.
Peu après, une jeune domestique de la maison, ayant une seconde clef de l'appartement, y pénétra pour son service. A peine entrée, elle ressortit en poussant des cris perçants, puis s'évanouit.
On vint de tous côtés, et on entra chez M. V...
Le magistrat était étendu, sans vie, dans son lit. Il avait les deux bras liés par une corde, qui allait de là s'enrouler autour de son cou. Sa tête brisée de coups de marteau, avait laissé tout son sang s'écouler sur sa couche.
Cet événement a produit une sensation profonde; mais on croit que la justice est sur les traces du coupable.
Voici d'autres coupables qu'il serait bien difficile et même davantage de punir.
Madame B... , rentière, rue des Bourdonnais, aime passionnément les fleurs. Samedi dernier, au marché de la Cité, elle fit une ample moisson des plantes les plus odorantes, puis les rangea chez elle dans d'élégantes jardinières; ensuite, elle ferme persiennes et rideaux; et, vaincue par le poids des premières chaleurs, par la fatigue d'une sortie matinale, elle s'endormit dans son fauteuil.
En rentrant chez elle, à midi, on la trouva sans connaissance; elle était asphyxiée par les fleurs, et on ignore encore si elle pourra être rappelée à la vie.
Il est très-utile de donner de la publicité à ce fait, car beaucoup de personnes ignorent, comme madame B... , que les fleurs dans l'obscurité, exhalent un parfum plus fort, plus pénétrant, et qui peut devenir mortel.

                                                                                                                  Paul de Couder.

Journal du Dimanche, 31 mai 1857.

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