mardi 15 avril 2014

Trousseau d'un jeune homme qui désire aller dans le monde.

Trousseau d'un jeune homme qui désire aller dans le monde.

Lorsqu'une dame choisit une robe plus ou moins élégante, il est rare que sa toilette soit déplacée dans le milieu où elle se trouvera; il n'en est pas de même d'un homme et surtout d'un jeune homme, non encore initié aux usages mondains, qui, revêtu du cérémonial habit lors d'une visite officielle, le matin ou dans la journée, se trouverait fort embarrassé au milieu de messieurs tous vêtus de la classique redingote.
Pour éviter à nos jeunes lecteurs des "impairs"de ce genre, nous allons leur indiquer d'une manière générale quels sont les vêtements qui sont de mise dans les diverses circonstances de la vie du monde.
Nous supposerons, si vous le voulez bien, que nous devons composer le trousseau d'un jeune homme de vingt-deux à vingt-cinq ans. Après avoir terminé ses classes, il arrive à Paris ou dans une grande ville, soit pour s'occuper d'affaires, soit pour achever ses études, et, sans être un mondain dans toute l'acceptation du mot, notre jeune homme veut cependant être reçu dans la bonne société.

L'habit.

L'habit n'est point porté par les tout jeune gens; jusqu'à dix-huit ans et même vingt ans il est avantageusement remplacé par le smoking accompagné du chapeau melon en feutre.
Depuis le mariage de M. Deschanel qui, bien que président de la Chambre, s'est marié en redingote, on a essayé de détrôner l'habit au profit de la redingote, mais cela sans succès.
L'habit est le vêtement habillé par excellence, qui ne se met jamais dans la journée sauf pour un mariage. A partir de sept heures du soir il est admis dans toutes les cérémonies: bal, soirée, dîner d'apparat; on le met à l'Opéra et quelquefois à l'Opéra-Comique, dans les autres théâtres c'est la redingote qui est portée. L'habit doit être largement ouvert sur un gilet ordinairement en soie ou en piqué blanc qui laisse voir le plastron de la chemise unie ou à petits plis. Avec l'habit, la cravate blanche est de rigueur ainsi que les gants blancs.

La redingote.

La redingote est indispensable; moins toilette que l'habit, elle témoigne cependant d'une tenue relevée et habillée. Elle se met pour les visites, les réceptions dans l'intimité, les dîners intimes, dans toutes les circonstances où l'habit n'est pas indispensable, on tient à être cependant très correct.
Avec une cravate blanche, la redingote en drap lisse se met pour un mariage civil, dans ce cas le pantalon est aussi en drap noir.
Pour les visites, le pantalon est de fantaisie à petits dessins effacés.
De fantaisie aussi le gilet si l'on veut suivre la mode. On le choisit à son goût; si l'on veut un gilet de tapisserie en laine et soie, ou en chenille, ce sera le summum du chic. Certains tissus imitent assez bien le travail à la main: les semis de pois ou de fleurs sont fort gentils et de bon goût, égayant de leur teinte vive un fond sombre. Les gilets sont de toutes couleurs, en velours, en soie, en étoffes façonnées, rouges, verts, bleus, etc.

La jaquette.

En suivant le mouvement descendant nous arrivons à la jaquette qui est le vêtement d'usage courant avec lequel un jeune homme peut être habillé quand il n'a aucun devoir mondain à remplir. Pour un dîner avec des amis, il pourra conserver la jaquette.
On porte également le complet jaquette; et pantalons et gilets disparates, à la condition qu'ils soient l'un et l'autre de fantaisie, un gilet uni non semblable à la jaquette serait un ensemble peu correct.

Le veston.

Le complet veston constitue la tenue toute simple, on le met pour le travail, pour les occupations journalières ou le matin; il a toujours un aspect négligé; le gilet doit être semblable au veston.

Le pardessus.

Si l'on veut être économe et n'avoir qu'un pardessus d'hiver, il vaut mieux le choisir en drap gris très foncé avec col de velours noir, il se mettra également avec la tenue simple et la tenue habillée. Autrement il faudrait avoir un pardessus en drap noir élégant et un autre pour l'usage courant; ce dernier serait du genre grisaille genre Raglan.

Les chapeaux.

Le chapeau melon est celui qui répond le mieux aux besoins d'un jeune homme, il ne met le haut de forme que lorsqu'il veut être en toilette. En été, le canotier en paille blanche avec ruban noir ou bleu marine remplace le feutre. Les chapeaux mous sont réservés à la tenue habituelle ou pour les voyages.

Les cravates.

La mode, qui dédaigne bien un peu les questions masculines, régit cependant le côté cravate. Les cravates sont de préférence nouées à la main, avec la redingote, on porte la forme plastron, avec la jaquette, le nœud marin ou la régate un peu large, avec le veston, c'est encore la régate ou le nœud papillon. Les cravates au crochet en soie ou en simili-soie sont les véritables favorites; on en fait en toutes teintes, unies, chinées, rayées, c'est une vraie fureur, dont profitent les jeunes femmes qui aiment à travailler pour leur entourage.

Ce que coûte le trousseau d'un jeune homme.

Voici maintenant un devis approximatif du trousseau nécessaire à un jeune homme de condition modeste; nous avons pris des prix et des qualités dans la moyenne.

                               1 pardessus d'hiver................................................................  70 fr.
                               1 pardessus d'été...................................................................   60 -
                               1 habit.....................................................................................  120 -
                               1 complet redingote..............................................................    90 -
                               1 complet jaquette................................................................     75 -
                               1 complet veston...................................................................    60 -
                               2 pantalons fantaisie à 20 francs........................................     30 -
                               2 gilets fantaisie....................................................................     25 -
                               1 chapeau haut de forme.....................................................     16 -
                               1 chapeau feutre...................................................................       6 -
                               1 chapeau paille....................................................................       4 -
                               2 paires de bottines...............................................................   30 -
                               1 paire de souliers vernis ou escarpins..............................    15 -
                               12 cravates à 2 fr en moyenne...........................................     24 -
                               6 paires de gants à 2,50 fr..................................................     15 -
                                                                                                                               ______
                                                                               Soit environ                             600 fr.

Ceci comprend à peu près ce qui sera à acheter la première année; l'habit, par exemple, se conservera plusieurs saisons.

Comment conserver ses vêtements.

Mais il ne suffit pas de posséder les vêtements indispensables pour faire bonne figure dans le monde, il faut encore savoir les conserver et les faire durer. La première précaution à prendre est de brosser tout vêtement aussitôt qu'on l'a quitté. C'est une habitude très répandue chez les jeunes gens de ne brosser les habits que lorsqu'ils sont sur le point de les rendosser. C'est là une très grande faute que le manque de temps n'excuse pas. La poussière les pénètre, et lorsque le coup de brosse survient, il ne suffit pas pour la retirer toute; l'étoffe prend rapidement cette apparence usée, cette teinte grisâtre d'un si vilain effet.
On veillera soigneusement à ce que les vestons et jaquettes, après quelque usage, ne fassent pas ce vilain pli, près de la nuque, qui les rend si disgracieux. Depuis quelque temps, l'usage se répand, d'Angleterre, de fixer intérieurement, au col des vestons, une étroite et légère lamelle métallique qui les maintient et les empêchent de "bâiller".

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 29 mars 1903.

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