mardi 8 avril 2014

Le fort Chabrol (suite)

M. Guérin sur son toit.

Et le fort Chabrol tenait toujours...
M. Jules Guérin ne paraît pas disposé à céder aux pressantes sollicitations du Gouvernement qui l'invite à se constituer prisonnier. Cette résistance à laquelle nous ne sommes pas habitués, bien qu'il soit convenu que nous sommes un peuple ingouvernable, a provoqué un tel mouvement de curiosité, qu'il a fallu d'abord interdire la rue de Chabrol à la foule avide de contempler une maison où il se passe quelque chose.
Mais ici-bas, tout passe et tout lasse.
La résistance, en se prolongeant, a perdu de sa saveur première, et les badauds accoutumés à l'idée que le fort Chabrol ne se rendrait pas, ont déserté la place, laissant les agents à leur mélancolique promenade et les journalistes aux douceurs de l'élevage du canard.
M. Jules Guérin  ne sortira de là que mort ou...victorieux.
En attendant que l'heure des résolutions graves ait sonné, le chef des antisémites se montre quelquefois sur le toit de son immeuble.
D'abord il est apparu en tenue d'irréprochable correction : Morès d'un impeccable éclat, linge blanchi à Londres, bottines vernies, etc.
Les combles n'en revenaient pas de posséder un hôte si "chante-clair".



L'habitude aidant, M. Jules Guérin est revenu en smoking, puis en robe de chambre, fumant négligemment un londres dont l'exquise fumée faisait tousser les agents préposés à sa garde.
Ce dolce farniente sur le toit est du dernier cri; et, par ce temps caniculaire, il n'est pas sans quelque agrément.
Si l'exemple donné par M. Guérin est suivi par tous ceux que menacent un mandat d'arrêt, Paris ressemblera aux villes américaines du Sud, où les habitants viennent chercher un peu de fraîcheur sur les terrasses qui dominent leurs maisons.
Jusqu'ici l'aventure a défrayé la chronique, excitant la verve des confrères; et à part quelques innocents coups de revolver à l'adresse des agents de la sûreté et une pluie rationnelle de briques sur les képis des sergents de ville, tout s'est passé avec la plus grande décence.
Souhaitons que l'aventure ne change pas de rubrique, autant pour ceux qui sont emmurés dans cette prison improvisée que pour ceux qui sont chargés de garder les issues.

                                                                                                                               I. C.

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