lundi 20 janvier 2014

La culture du pavot au Tonkin.

La culture du pavot au Tonkin.

Notre correspondant du Tonkin nous envoie les renseignements suivants sur les essais de culture du pavot au Tonkin; l'importance de ce renseignement n'échappera pas à nos lecteurs: on sait que c'est du pavot qu'on extrait l'opium dont il se fait en Chine et dans tout l'Extrême-Orient une si grande consommation; et l'on sait aussi que les Anglais se sont réservé le monopole de la vente de ce produit. Si nous arrivons à l'obtenir en quantité suffisante dans notre colonie, il y aurait une source importante de commerce et une concurrence productive à faire à l'Angleterre.
"Les essais de culture du pavot entrepris par M. Massie, pharmacien-major, ont déjà donné des résultats très satisfaisants.
Les semis ont été effectués très tard, le 28 juin; Ils ont été faits à la volée par mélange de la graine avec du sable.
Le 25 avril, les premières fleurs se montraient et bientôt tout le champ avait fleuri. Les capsules ont noué peu après et la récolte pouvait commencer.
Entre le semis et la récolte, on a arraché les mauvaises herbes. Il n'a pas été fait d'arrosage. Il y avait 60 pieds de pavot par mètre carré.
Les pieds ont donné, en moyenne, trois centigrammes d'opium sec par capsule; ce qui, pour l'hectare, donne: 600.000 pieds et 18 kilogrammes d'opium. Le prix de l'opium étant en France de 80 à 85 francs, l'hectare produit en deux mois: 1440 francs.
Il faut dire que les semis auraient pu mieux réussir si l'expérimentation n'avait pas été à ses débuts; la graine du pavot est très petite, par suite, la racine primitive est très faible; aussi, une pluie un peu forte survenant dans un champ nouvellement semé entraîne-t-elle beaucoup de plantes. Ce fait n'ayant pas été prévu les semis avaient été faits très clairs, tandis qu'il faut au contraire semer très épais; la nature se chargeant d'éclaircir.
Les terres capables de porter des pavots sont très nombreuses dans la province de Lang-son; la plupart sont abandonnées. Cette culture, si elle est poursuivie, sera un excellent moyen de faire revenir de Chine quelques unes des belles piastres du commerce que les Chinois savent si bien soutirer. Un détail à noter: les jeunes plantes semées par M. Massie ont été tout de suite reconnues comme plantes à opium par des vieux indigènes qui en avaient déjà vu; ce qui démontrerait que les essais, nouveaux pour nous, ne le sont pas pour eux".

                                                                                                            Saint-Pierre.

La Petite Revue, premier semestre 1889.

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