jeudi 14 novembre 2019

La concierge du temps jadis.

La concierge du temps jadis.


Elle vit dans la vieille maison comme une araignée dans sa toile, et chaque fois qu'une lézarde fend le plâtre d'un mur, une ride nouvelle se creuse dans le visage de la concierge.
Elle est horrible, elle a trois dents, les autres sont parties avec les locataires, mais comme la ronce croît aux pierres d'une ruine, des poils font leur nid à l'intérieur de ses oreilles.
Tous les matins, suivie d'un chat, elle rôde telle une sorcière par les couloirs de la maison; elle martyrise les sonnettes, se bat contre la poussière, avec les paillassons, cherche querelle au charbonnier, rend les marches glissantes et met son balai dans vos jambes juste au moment où vous passez.
L'après-midi, elle se calfeutre dans sa loge avec des portraits de famille et, au coin de son feu, elle observe les locataires. Immobile dans son fauteuil, les yeux fixés sur sa porte vitrée où défilent des êtres comme des pantins dans un guignol, elle épie longuement, en chouette... Et tandis que son chat ronronne sur ses genoux, que le temps fuit et que son feu meurt, la concierge, impassible et grave, en attendant les étrennes, fabrique des histoires pour les commères du voisinage.

                                                                                                                          Paul Leclercq.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 19 août 1906.

Nota de Célestin Mira:


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