jeudi 17 mai 2018

Les fortifications.

Les fortifications.


Paris étouffe...
L'éternelle question des fortifications a fait couler beaucoup d'encre; mais jamais on ne trouvera au fond des encriers les millions que représente pour l'Etat cet énorme ruban et les finances de la ville de Paris ne sont pas en état d'offrir ce présent municipal d'une ceinture d'air, d'espace et de verdure de la capitale.
L'important n'est pas de démolir les fortifications: c'est de ne rien bâtir... à leur place, et l'on répète volontiers à leur sujet:

Le mur murant Paris rend Paris murmurant.

Cependant, nos fortifications actuelles ne furent pour rien dans cette élégante trouvaille. Elle remonte à Lavoisier; ce fut le grand Lavoisier qui, en 1782, eut l'idée d'élever des "barrières" d'octroi contre les fraudeurs*. Il était fermier général... L'opinion publique ne fut tendre ni pour lui, ni pour la Ferme:

Pour augmenter son numéraire,
Et raccourcir notre horizon,
La Ferme a jugé nécessaire
De mettre Paris en prison.

L'architecte Ledoux construisit alors cinquante-huit barrières, qui demeurèrent, avec leur mur terne et gris, jusqu'à l'annexion des communes suburbaines, en 1862. On en a conservé la Rotonde de Chartres*, les pavillons de la place Denfert-Rochereau*; la rotonde Saint-Martin à la Villette*.
Peut-être n'est-il pas sans intérêt de rappeler les vers qu'écrivit Méry à cette époque:

"La bonne et vieille Lutèce, 
Disaient les passants malins,
Hélas! porte avec tristesse
Sa couronne de moulins.
Comme tout se dénature!
Au siècle du vieux Janus,
Elle avait une ceinture
Comme celle de Vénus.
Mais, en avançant en âge,
Elle a grossi de corsage
Depuis le roi Pharamond,
Et, dans son corset de toile, 
Elle étouffe, de l'Etoile
A Saint-Etienne-du-Mont.
Comme une fille peu sage,
Elle va, si le feu part,
Éclater dans son corsage
Comme un obus de rempart!"

A ces plaintes continues
On vit, des chantiers voisins,
Par toutes les avenues
Arriver les Limousins.
Ils étaient cinquante mille
Pour aider la grande ville
A sortir de sa prison.
Et Lutèce, à leur passage
Respira, car pour corsage
Il lui restait l'horizon!

Une autre enceinte était prête depuis vingt ans, pour succéder à la barrière des fermiers généraux. Il suffit de donner à la rue Militaire les noms des Maréchaux de l'Empire*, et, depuis 1860, on parle de la suppression de l'octroi, de la démolition des fortifications...
Souhaitons que la question demeure, pendant quelque temps encore, sur le tapis: les hygiénistes gagneront du terrain, - moralement, et ce seront nos petits-enfants qui en disposeront pour leurs ébats et pour leur poumons. Il faut laisser se faire peu à peu cette démonstration que les villes ont besoin d'espaces libres et consacrés à la verdure.

 Les Annales politiques et littéraires, revue universelle paraissant le dimanche, 13 novembre 1908.

*Nota de célestin Mira:



Paris- les fortifications.




La porte d'Allemagne, ainsi dénommée avant la guerre 1914-1918;
est devenue la porte de Pantin.






Rotonde de Chartres, située au parc Monceau,
Le rez-de-chaussée et le premier étage était occupé par des bureaux de la Ferme.



Place Denfert-Rochereau.
Pavillon ouest de Ledoux de la barrière d'Enfer.



Rotonde de la Villette, autrefois faisant partie de la barrière Saint-Martin.
La rotonde de la Villette est de nos jours située place de la Bataille-de-Stalingrad.

* Les boulevards des Maréchaux occupent l'emplacement de la rue Militaire qui longeait l'enceinte de Thiers construite en 1840.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire