mardi 15 mai 2018

Jouets princiers.

Jouets princiers.


Le Président de la République vient de terminer ses voyages dans les pays d'Europe septentrionale. Les journaux ont relaté avec mille détails l'admirable réception qui partout lui a été faite par les souverains et leurs peuples; mais aucun ne nous a révélé l'accueil que lui ont réservé les jeunes princes de Russie et de Norvège: ce petit fait n'est peut être pas si minime qu'il le paraît. Il ne serait pas sans intérêt de connaître le souvenir imprimé par le représentant de la France dans l'esprit d'enfants qui demain conduiront de grandes nations. Nul doute, du reste, que l'impression n'ait été excellente. M. Fallières connaît l'âme des enfants et le chemin de leur coeur: il avait emporté de Paris des jouets superbes qui feront rêver tous les petits garçons de France et n'ont pu manquer de soulever l'enthousiasme même d'un futur empereur ou roi.
Les admirables jouets! Il nous a été donné de les entrevoir dans le salon de leur constructeur: car vous pensez bien que des jouets d'une si haute importance diplomatique ne peuvent se construire dans un atelier ordinaire: c'est dans un gracieux salon, artistement décoré, qu'ils ont pris naissance. Leur auteur, M. Brianne, leur a consacré toute l'ingéniosité et le goût que nos lecteurs ont pu maintes fois apprécier. Malgré le bref délai qui lui a été laissé, il a donné deux vrais chefs-d'oeuvre.
Il n'avait été chargé tout d'abord que de la construction d'un chemin de fer électrique en miniature pour le jeune prince de Norvège; lorsqu'il fut terminé, Mme et Mlle Fallières, qui avaient surveillé les détails de l'exécution, prirent un tel plaisir à le voir fonctionner qu'elles en commandèrent aussitôt un second pour le tsarévitch.
L'un et l'autre se distinguent par l'ingéniosité des combinaisons électriques et mécaniques, le soin apporté à l'étude de tous les détails et l'élégance de l'ensemble.
La voie de chemin de fer est une véritable voie avec rails éclissés sur traverses, et reposant sur du ballast fait d'un minuscule gravier; elle se déroule dans un joli paysage fait de toiles artistement peintes: le prince de Norvège pourra admirer un paysage tout maritime: vertes collines descendant en pente douce jusqu'à la mer; port rempli de bateaux, pont tournant desservant les bassins. le chemin de fer a son terminus à une gare, qui n'est autre que la gare du Nord; ce petit édifice a été construit d'après les plans donnés par M. Sartiaux, le chef des services électriques de la Compagnie du Nord; c'est la reproduction textuelle de la façade de la rue de Dunkerque; elle est richement pavoisée et illuminée électriquement.



La gare du Nord.

Le long de la voie court une vraie ligne de transport de force, elle passe sur des poteaux construits comme des poteaux télégraphiques que vous pouvez voir le long des voies ferrées; ils sont munis de petits isolateurs, en os au lieu d'être en porcelaine, et ils se fixent très simplement aux rails eux-mêmes. Ce sont les fils passant sur ces poteaux qui transmettront à la machine du train, aux lampes électriques de la gare et de la voie, le courant nécessaire à leur fonctionnement et fournit par des accumulateurs. Les candélabres qui éclairent les abords de la gare sont de reproduction exacte de ceux qui décorent nos boulevards.



Deux accessoires des jouets:
poteau télégraphique, candélabre.

Le matériel se compose d'une locomotive et d'un certain nombre de wagons; la locomotive, qui a été décrite ici même, il y a quelques mois, renferme un minuscule moteur qui reçoit son courant par l'intermédiaire d'un archet s'appuyant sur les fils; les wagons sont naturellement des voitures de luxe; nous avons remarqué le wagon restaurant avec sa table munie d'une nappe aux délicates broderies et garnie de gracieuses corbeilles de fleurs.



La gare de Lyon.

Le trajet comporte des aiguillages, des passages à niveau, des tunnels, etc., et le jouet est muni de tous les organes nécessaires, dans la réalité, à l'exploitation d'une ligne ferrée. Et ce ne sont pas de simples simulacres: ces organes s'agencent comme sur nos grandes voies et jouent un rôle analogue. Il ne faudrait pas oublier de manœuvrer l'aiguille au moment du passage du convoi; il déraillerait tout comme ses frères des grandes compagnies.
Pour donner une idée des dimensions de ces jouets, nous signalerons qu'ils couvrent, montés, une superficie de 15 m².



Le chemin de fer miniature
offert au prince de Russie.

Notre figure montre l'un d'eux rangé dans son écrin de peluche; le coffret ainsi ouvert occupe près de 3 m de hauteur sur 1,50 m de largeur.
Nul doute que les jeunes majestés ne s'amusent infiniment au jeu très moderne de l'ingénieur des chemins de fer; nul doute aussi, que les qualités d'originalité, d'ingéniosité et de goût que le fabricant a su déployer dans l'exécution de ce jouet et qui distinguent la production française en général ne soient appréciées comme elles le méritent.

                                                                                                           R. Villers.

La Nature, deuxième semestre 1908.

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