mercredi 23 mai 2018

Chronique du 22 août 1858.

Chronique du 22 août 1858.


Le nombre des maris qui attentent aux jours de leur femme est illimité; le meurtre conjugal se répète si souvent qu'on renonce à l'enregistrer, à moins qu'il ne soit, comme dans les faits suivants, marqués de circonstances étranges.
Près de Cherbourg, dans le bois de Varangrou, passaient, vers deux heures du matin, le nomme H*** et sa femme, qui venaient de faire un pèlerinage au bienheureux Thomas de Biville et qui avaient quitté la grande route pour ce sentier solitaire.
Rien n'était mieux fait pour adoucir l'âme que ce caractère de pèlerin que venait de prendre le mari, les bords d'un bois charmant et le calme d'une nuit d'été. Cependant, en cet endroit, H*** a frappé sa femme de dix-neuf coups de poignard, dont plusieurs lui ont traversé le coeur.
C'est le mari qui avait décidé de faire le pieux voyage. S'il voulait donner la mort à sa malheureuse femme, comment pensait-il à prier saint Thomas, et s'il revenait réellement de pèlerinage, comment pensait-il sacrifier sa pauvre compagne de route?
Un berger qui, au point du jour, menait son troupeau le long de ces ombrages, a trouvé le corps de la victime, dont un mantelet de soie noire couvrait la tête, et, après s'être assuré qu'elle n'existait plus, il est allé en faire le rapport au maire de Sainte-Croix.
Tandis qu'on cherchait l'assassin, celui-ci, revenu à son domicile, rue de l'Alma, à Cherbourg, faisait part à un agent de police de sa connaissance, du forfait auquel il s'était livré et il était immédiatement arrêté.
L'instruction de l'affaire éclaircira sans doute le caractère de ce pèlerin.

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Le sieur B*** et sa femme, habitants d'Epinay-sur-Seine, possédaient tout ce qui peut rendre une union heureuse: de l'aisance, de la jeunesse, une affection mutuelle. Rien n'avait jamais dénoté en eux ces luttes intestines qui précèdent les événements tragiques; seulement la jeune femme était extrêmement jalouse de son mari, qui souvent, à la vérité, lui donnait sujet de l'être.
Il y a peu de jours, une scène amenée par ce motif avait éclaté entre les deux époux; mais tout devait faire penser qu'elle s'était terminée par un raccommodement lorsque la mère de la femme de B***, en venant la voir, monta dans la chambre à coucher et trouva sa malheureuse fille assassinée et étendue morte sur son lit.
B***; après avoir accompli le meurtre, était sorti immédiatement de chez lui. Le soir on retira son corps de la Seine, où il s'était précipité auprès de Saint-Denis
En quelques heures, de ces deux heureux époux, il ne restait plus rien sur terre.


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A propos de mariages, la statistique a relevé les chiffres suivants. Dans le cours du dernier mois, les dames de Paris ont formulé vingt-deux demandes en séparation de corps et de biens d'avec messieurs leurs maris; le tribunal là-dessus a rendu quinze jugements affirmatifs; les autres demandes ont été rejetées. On voit quel doit être, dans le cours d'une années, le nombre des unions rompues.

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Un honnête ouvrier, du faubourg Saint-Antoine, vient de périr bien malheureusement. Le sieur G***, tourneur en chaises, habitait au cinquième étage d'une maison mal tenue, mal fermée, comme il en est tant dans ce quartier.
A l'heure où il rentrait, son petit garçon, qui l'adorait, courait toujours au-devant de lui. Le sieur G***, en ce moment, prit son enfant dans ses bras, et en le faisant sauter ne s'aperçut pas qu'il reculait un peu. Il se trouvait là une large ouverture au niveau du sol, ancienne fenêtre dont les vantaux tombés de vétusté n'avaient pas été remplacés. Le malheureux ouvrier fut précipité par cette ouverture, et alla se briser le crâne sur le pavé. mais en tombant, son instinct de père l'avait porter à rejeter hors de lui son enfant, qui a été sauvé.

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Ces jours-ci, à l'église Sainte-Clothilde, on remarqua une jeune femme d'une très-agréable figure, qui communiait à deux chapelles; on la suivit et on la vit communier à trois et à quatre. Les personnes témoins de ce fait si fort en dehors des lois religieuses en furent tellement scandalisées, qu'elles firent arrêter la jeune femme. Celle-ci s'éloignait avec peine de l'église, et faisait signe qu'elle voulait communier encore.
Chez le commissaire de police, on remarqua qu'elle portait sur la tête une espèce de bandeau, imitant la couronnes d'épines, et aux bras également des morceaux de draps, figurant les liens dont fut chargé Jésus-Christ.
L'excès de dévotion l'avait rendu folle.


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On sait que notre admirable comédienne, mademoiselle Déjazet*, cumule les deux plus charmants rôles des femmes; elle est à la fois actrice et dame de charité. Dans sa dernière tournée, elle vient de dégager une parole donnée par elle il y a plus de dix ans. Etant alors à Nantes, elle promit à la souffleuse du théâtre de donner une représentation pour dégager son fils de la conscription. et aujourd'hui, l'âge étant venu où le bambin d'autrefois allait devenir soldat, mademoiselle Déjazet, l'a racheté avec le prix d'une soirée.
Elle a eu elle-même une charmante surprise à Angers, la ville des fleurs. A la fin du spectacle, deux enfants de troupe sont montés sur la scène en portant un bouquet qui mesurait quatre mètres de circonférence, et le lui ont présenté en disant:
- Mademoiselle, de la part des officiers de la garnison.
Mademoiselle Déjazet a embrassé de tout coeur les deux petits soldats, qui ont reçu au port d'armes ce gracieux remerciement.

                                                                                                                         Paul de Couder.

Journal du Dimanche, 22 août 1858.

* Nota de Célestin Mira:



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