jeudi 19 avril 2018

La chasse au mari.

La chasse au mari.






Il faut être outrageusement civilisé pour ne pas confier aux seules jeunes filles le droit de choisir qui sera son compagnon d'existence. Dans nombre de pays, à travers le monde, les vierges n'attendent pas que les jeunes gens les prient d'amour, mais manifestent elles-mêmes de façon délicate leurs sympathies. Cela nous évite les grossières recherches et les malpropres marchandages qui précèdent chez nous les mariages dits convenables.

Le gâteau de fiançailles.- La lampe symbole.

Ainsi, en Moravie, les galants ne songent à courtiser une jeune paysanne, qu'à partir du jour où elle déclare son désir de prendre un époux. Quand sonne pour ces petites sauvagesses l'heure d'amour, elles glissent une pièce de monnaie dans un morceau de gâteau et vont jeter leur "billet doux" dans la maison de l'élu. 



Et remarquez que le favorisé sait toujours découvrir la couleur des yeux de sa pâtissière.
En Birmanie, autre coutume d'une signification et d'un charme presque religieux. Quand elle a cousu et brodé les pièces de son trousseau, la jeune fille pose sur sa fenêtre, la nuit, la "lampe d'amour". puis, avec son petit miroir de toilette, elle en dirige le reflet vers la maison de celui qu'elle aime. 



Délicieux symbole pour faire comprendre au jeune homme timide ou distrait que la petite flamme de tendresse s'est allumée pour lui dans un coeur de vierge. Cela vaut bien les œillades des petites bourgeoises si assoiffées de mariage, qu'elles égarent trop souvent, dans une soirée, les reflets de leur "lampe d'amour".

Au pays de Carmen.

Les cigarières de l'Espagne témoignent leur tendresse de manière plus pittoresque encore. Elles envoient leu houppette à poudre de riz à qui les sut charmer, pour qu'il l'arbore comme une cocarde à son chapeau. C'est franc, gamin, un vrai geste de grisette! Amours un peu fragiles, peut être, mais combien spontanées! Si l'élu pique la houppette sur son feutre au combat de taureaux ou à la danse qui suit l'aveu, c'est qu'il accepte la ... provocation au mariage.




En Andalousie, la déclaration se fait par l'intermédiaire de la tarte, de la tarte... au potiron. La paysanne envoie au jeune gars préféré un morceau de la doucereuse pâtisserie. S'il mord à la tarte, l'union est décidée. Sinon, elle pleure; puis, après quelques mois de deuil sentimental, découpe une nouvelle citrouille pour tenter quelque autre galant.

Au pied des géants des Alpes.

La recherche d'un mari se pare de petits détails très poétiques dans certaines vallées de la Suisse.
La chasse à l'époux n'est guère autorisée que dans des circonstances déterminées, le soir des noces d'un ami ou d'un parent, par exemple. alors on célèbre la "cérémonie des guirlandes d'amour". Un jeu charmant, plus charmant à vivre qu'à conter.
Au coucher du soleil, jeunes filles et jeunes gens se réunissent pour danser, chanter, folâtrer. les ébats durent jusqu'à l'aube. Et quand les blondes suissesses quittent le bal, enlacées, emportant des bouquets alourdis par des rubans multicolores, les gars se hâtent de regagner leur logis. C'est l'heure, en effet, où les amoureuses vont suspendre leurs fleurs à la porte de celui qu'elles ont choisi pour époux, ou frapper à coup de roses à la fenêtre de qui sera leur mari. 



Jamais les femmes n'affirmèrent de plus chaste et de plus impérieuse manière leur droit à aimer.
Mais en Suisse, il est encore une coutume charmante et très pittoresque: le mariage au fromage, que nous ferons bientôt connaître à nos lectrices.
Comme tout cela est loin des mièvreries, des hypocrisies de la vie parisienne!

Mon dimanche, revue populaire illustrée, 12 juillet 1903.

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