vendredi 30 mars 2018

La photographie de la parole.

La photographie de la parole.

Récemment, M. d'Arsonval faisait, à l'Académie des Sciences de Paris, une communication apprenant à cette assemblée que M. Devaux-Charbonnel venait de trouver le moyen de photographier la parole.



M. Devaux-Charbonnel.

Ce problème, posé depuis longtemps, n'avait pu être résolu jusqu'à ce jour, les nombreuses expériences faites à ce sujet n'avaient pas donné de résultat appréciable. Il y a quelque temps, on avait cru obtenir un commencement de réalisation; mais le procédé étant défectueux, le résultat demeura imparfait.
M. Devaux-Charbonnel est ingénieur du ministère des postes et télégraphes et professeur de physique à l'Ecole supérieure des postes, télégraphes et téléphones; il est, de plus, vice-président de la Société des électriciens de France. Ce sont ces divers types et les occupations en résultant pour lui qui l'ont amené à diriger ses travaux dans le sens de la photographie de la parole et à faire la découverte dont nous venons de parler.
Au cours de nombreuses expériences faites pour le compte de son ministère sur la manière dont les fils télégraphiques transportaient les ondes sonores, il avait constaté que les résultats obtenus étaient facilement enregistrés par l'oscillographe de Blondel; il pensa qu'il serait facile d'en faire autant pour la parole proprement dite. A cet effet, il construisit un appareil, ou plutôt, il réunit ensemble trois appareils existants déjà: un microphone très sensible, une pile et un oscillographe de Blondel. 



Appareil de M. Devaux-Charbonnel.

Ce dernier appareil se compose lui-même d'un puissant électro-aimant, relié à l'oscillographe proprement dit, sorte de tige d'acier que deux fils mettent en rapport avec l'appareil et vers la partie médiane de laquelle est enchâssé un minuscule miroir ayant un millimètre de côté, d'une chambre noire sur le sommet de laquelle est placé un cadran destiné à recevoir soit un verre dépoli, soit une plaque photographique, d'une glace rectangulaire ayant environ quatre centimètres sur six, placée dans le fond de la chambre noire, exactement au-dessous du cadre de la plaque, et, enfin, d'une lampe, d'une lampe à arc.
Pour plus de clarté, nous joignons un schéma qui permettra de suivre les différentes phases par lesquelles passe la photographie de la parole telle que l'exécute M. Devaux-Charbonnel.




Principe de la machine de M. Devaux-Charbonnel.

On parle dans le microphone M; le son, et, par conséquent, la forme affectée par le mouvement des ondes sonores, est, grâce à la pile P, transporté, en suivant le fil F', jusqu'à l'oscillographe de Blondel. L'électro-aimant, E, de la machine amplifie la valeur de ces mouvements et en affecte à son tour, l'oscillographe proprement dit, O. Cependant, on a mis en communication, les deux charbons de la lampe à arc, L; la lumière qu'elle émet vient frapper le miroir de l'oscillographe (cette lumière est représentée sur notre schéma par la ligne pointillée a b). De ce contact, il résulte un autre rayon lumineux, représenté par b c, lequel reproduit exactement les mouvements de l'oscillographe et va les inscrire sur la glace G; cette glace, à son tour, renvoie, en c d, l'image qu'elle reçoit, sur la plaque photographique P. L'opération est alors terminée et il n'y a plus qu'à développer.
La série des voyelles obtenue par ce procédé permet certaines observations fort intéressantes. 
La configuration générales de ces lettres est une suite d'angles aux sommets inversés. Plus le son produit par une voyelle est grave, moins les angles sont nombreux et plus ils sont obtus; plus le son est haut, plus les angles sont nombreux et plus ils sont aigus.
Voici les trois voyelles les plus caractérisées: I, O et A. 



La voyelle I, qui,  dans notre alphabet donne le son le plus aigu, est composée d'un très grand nombre d'angles: c'est une véritable suite de zigzags. O, qui est au contraire, le son le plus grave, en offre un nombre beaucoup plus restreint. Enfin, A, qui offre une tonalité moyenne, présente, en photographie, une quotité également moyenne d'angles.
Il n'est pas douteux, que la photographie de la parole aura, dans la suite, de nombreuses applications pratiques; le jour est peut être proche où, grâce à un dispositif enregistreur spécial, les appareils récepteurs des téléphones inscriront automatiquement les communications, ce qui permettra d'utiliser la téléphonie, même lorsque l'interpellé ne pourra se présenter à l'autre bout du fil.

                                                                                                                     S de Givet.

Les Annales politiques et littéraires, 12 juillet 1908.

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