mercredi 28 février 2018

Les boucles d'oreilles.

Les boucles d'oreilles.

L'usage des boucles d'oreilles remonte à la plus haute antiquité. On en a trouvé dans toutes les sépultures; celles de l'âge de bronze se distinguent par le volume et la grandeur des anneaux.
De nos jours encore, les femmes n'ont pas su s'affranchir de cette ornementation de primitifs. Les femmes d'Orient surtout surchargent leurs oreilles et quelquefois leur nez d'anneaux et de pendeloques, comme le montrent nos figures.



Bédouine égyptienne.

Nous ne voulons pas étudier ici les origines et la psychologie de ce besoin de la parure, legs d'une hérédité presque préhistorique. Nous nous bornerons à indiquer quelques-uns des accidents auxquels expose le percement des oreilles.
Le Dr Nicolas a rapporté l'histoire d'une jeune personne très élégante chez laquelle un brillant, vissé à l'oreille, avait produit une inflammation du lobule et s'était perdu au milieu des tissus. L'incision avait été nécessaire et il fallut plus d'un mois pour obtenir la guérison.


Danakite de Djibouti

Il n'est pas rare de voir des pustules d'impétigo de développer au niveau de la perforation du lobule de l'oreille; elles forment des croûtes en se rompant; par inoculation du pus la lésion peut s'accroître et gagner les parties voisines. Dans ces cas, il n'est pas rare de voir la boucle d'oreille, enchâssée dans les tissus, les ulcérer et finir par couper le lobule et le diviser en deux languettes.



Bayadère de Madras.

L'eczéma est encore une complication fréquente ainsi que l'herpès. Des chéloïdes ou petites tumeurs molles peuvent également apparaître au niveau de la perforation. Mais on a noté des accidents plus graves encore: l'érysipèle, la gangrène, la tuberculose, la syphilis. Leloir cite le cas d'une jeune fille de vingt ans qui présenta un lupus tuberculeux de l'oreille. Après enquête, il découvrit que la perforation avait été faite avec des instruments sales par un horloger tuberculeux. Unna, de Vienne, eut l'occasion de voir une jeune fille de quatorze ans, de famille parfaitement saine, qui avait porté les boucles d'oreilles d'une amie récemment décédée de tuberculose pulmonaire. Quelques mois après, l'héritière des bijoux devint malade. Des ulcérations à bords décollés apparurent sur les lubules de l'oreille, les ganglions lymphatiques du cou s'engorgèrent; on constata la présence de bacilles tuberculeux dans les granulations des ulcérations auriculaires. La bronchite ne tarda pas à apparaître et la jeune fille mourut rapidement de consomption.



Cynghalaise de race tamoule.

Fournier, Rochon, Le Roy, ont cité des cas de transmission de la syphilis lors de la perforation du lobule des oreilles avec des instruments mal nettoyés.
L'auteur de cet article n'a pas la prétention de faire renoncer les femmes aux boucles d'oreilles pas plus qu'au corset, aux chapeaux et robes extravagantes. Il faudrait pour cela réformer leur mentalité, ce qui demandera encore des siècles. Il se bornera à rappeler que chez les Grecs et les Romains le port des boucles d'oreilles était réservé aux peuples vaincus et aux esclaves. Un jour que Cicéron plaidait, un certain Octavius qui avait été esclave en Agrique, se plaignit de ne pas entendre. "Tu as pourtant l'oreille percée deux fois", répartit ironiquement le grand orateur.
Mais si on ne veut pas renoncer aux boucles d'oreilles, on pourrait au moins prendre quelques précautions pour éviter les accidents que nous venons de signaler et qui sont beaucoup moins rares qu'on croit. Il faudrait d'abord prévenir les bijoutiers et les horlogers des accidents qu'il font courir à leurs clients en négligeant les précautions antiseptiques et les responsabilités qu'ils encourent. En outre, on ne devrait pas pratiquer cette opération avant l'âge de dix à douze ans, en raison de la fréquence de l'impétigo et de l'eczéma chez les enfants. Enfin, il faudrait renoncer à cette opération chez les scrofuleux et les tuberculeux.

Les Annales de la santé, 15 juillet 1909.

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