jeudi 4 janvier 2018

Miniature du XIVe siècle.

Miniature du XIVe siècle.


Vers le mois de novembre de l'an 1377, l'empereur Charles IV écrivit au roi Charles qu'il partait pour la France à dessein de voir le roi, et de faire un certain pèlerinage de dévotion. Ce prince avait été élevé à la cour de France. 
La nouvelle de sa venue fit grand plaisir au roi. Il envoya d'abord quelques-uns des plus grands seigneurs, pour le recevoir sur les frontières; mais il défendit qu'on sonnât les cloches à son arrivée, qu'on allât en procession au-devant de lui, et qu'on lui rendit aucun des devoirs qu'on rendait au roi comme souverain; ce n'est pas qu'il se méfiât de lui mais il craignait que ses successeurs ne voulussent tirer cela à conséquence, et s'en prévaloir dans les occasions.
L'empereur fut ainsi reçu à Saint-Quentin, à Ham, à Noyon, à Compiègne, où le vinrent retrouver le duc de Bourbon et le comte d'Eu, accompagnés de trois cents chevaux. A Senlis, il trouve les ducs de Berry et de Bourgogne; à Louvres, il trouve le duc de Bar. Il se rendit enfin à Saint-Denis, où il trouva un grand nombre de prélats qui l'attendaient. Il alla faire ses dévotions dans l'église, vit les reliques et le trésor, alla prier Dieu sur les tombeaux des rois Charles-le-Bel et Philippe de Valois et des reines leurs épouses, chez lesquels il avait été élevé dans sa jeunesse. Ce jour-là même (c'était le 4 janvier) se devait faire la première entrevue entre La Chapelle et Paris. Le roi envoya à l'empereur un beau cheval noir, et un autre de même couleur pour son fils Venceslas, roi des Romains, qui l'accompagnait. Cela se faisait à dessein; les chevaux noirs marquaient que l'empereur et son fils n'avaient aucune espèce de domination en France: le roi en devait monter un blanc.

"Ainsi chevaucha le roy, dit un vieil historien, de son palais jusques à my voie du moulin à vent et de La Chapelle, qu'ils s'entrerencontrèrent luy et l'empereur; et fut grand'pièce avant qu'ils pussent venir l'un à l'autre, pour la presse des gens qui y étoient: en laquelle rencontre l'empereur osta sa barrette et son chaperon, et aussi le roy; et ne se voulut pas le roy trop approcher de l'empereur, afin que son cheval ne frayast à ses jambes où il avoit la goutte, mais preindrent les mains les mains l'un à l'autre, et aussi s'entresaluèrent en disant le roy à l'empereur que très bien fust-il venu, et qu'il avoit un grand désir de le veoir; et passa outre le roy pour saluer le roy des Romains, et le print par la main, par la manière qu'avoit fait l'empereur. Et puis retourna devers l'empereur, et le fit mectre à dextre de luy, combien que l'empereur s'en excusast très longuement, et ne le vouloit faire, et feit mectre emprès lui, à senestre, ledict roy des Romains. Et ainsi chevaucha le roy, au milieu de l'empereur et de son fils, tout le chemin, et tout au long de la ville de Paris, jusqu'à son palais."



La venue de l'empereur Charles, en France,
et sa réception par le roi Charles-le-Quint.


Le roi se signala par les grands festins qu'il donna à l'empereur. Un spectacle fort singulier qu'il leur donna, attira l'attention de tout Paris: il fit représenter l'expédition de Godefroy de Bouillon dans la Terre-Sainte. Du palais, l'empereur fut amené au Louvre, dans un vaisseau construit et orné comme une maison, où il y avait une salle, des chambres et deux cheminées.
Parmi les présents qui furent offerts à l'empereur, à Beauté-sur-Marne, on remarquait: une grande coupe d'or garnie de pierreries, où étaient marqués la sphère, les douze signes du zodiaque, etc. Deux grands flacons d'or sur lesquels étaient figurés saint jacques montrant à Charlemagne le chemin de l'Espagne; un bel et grand hanap d'or, sur un trépied garni de pierreries; une aiguière d'or, aussi ornée de pierreries; deux pots d'or ouvrés à tête de lion. Au roi des Romains, on donna un gobelet et une aiguière d'or, et deux grands pots d'or ornés de saphirs et de perles.
Dans cette entrevue, l'empereur offrit ses secours contre les Anglais avec lesquels le roi était en guerre, par suite de plusieurs violations du traité de Brétigny. Le roi désirait vivement cette offre pour s'assurer au moins la neutralité des princes allemands.

Le Magasin pittoresque, livraison 52, 1833.

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