lundi 29 janvier 2018

Ceux de qui on parle.

Le peintre Roybet.

M. Roybet fit ses études artistiques à l'école de gravure de Lyon et vint à Paris en 1864: il avait vingt-quatre ans. C'est au Louvre qu'il compléta son instruction: il ne passait pas une journée sans s'y rendre. Il fit recevoir au Salon de 1865, pour ses débuts, deux toiles et deux eaux-fortes. Les deux peintures: Musiciennes et Intérieur de cuisine témoignaient d'une vigueur de dessin qui fit sensation, encore qu'elles fussent à demi noyées dans une pâte trop noire.
De l'année suivante, M. Roybet, obtenait, avec Un fou sous Henri III * un succès éclatant. La troisième médaille lui était décernée, et, récompense beaucoup plus profitable, la princesse Mathilde lui achetait son tableau.
Célèbre à vingt-six ans, M. Roybet n'a pas démenti les promesses qu'il donnait alors: il a continué à mettre en scène des mousquetaires rubiconds occupés à boire ou à manger, et des types pris dans la bourgeoisie des siècles passés. 



Il trouvait dans ce procédé de grandes facilités d'exécution: les trois ou quatre costumes dont il avait fait l'emplette pouvaient indéfiniment servir et quant au modèle, il arriva assez vite à s'en passer à l'aide de ses précédents ouvrages. Enfin le public avait goûté ses premières toiles: à quoi bon s'exposer à une nouvelle expérience qui n'aurait peut être pas eu le même succès?
Après l'exemple donné par la princesse Mathilde, il était devenu de bon ton d'acheter du Roybet. Vanderbilt acheta Le Concert, le grand duc Alexis acheta La femme au perroquet*, M. Hériot, le riche propriétaire des magasins du Louvre, lui commanda La chanson à boire* et Le jour des rois (1870).
M. Roybet resta alors plus de vingt ans sans se faire représenter aux salons annuels. Peut-être craignait-il la malignité de certains critiques qui n'auraient pas manqué de lui demander quand il cesserait de faire des Téniers, tandis qu'il pouvait en débiter aux particuliers tout à son aise.
Il recommença à exposer au Salon de 1892, où il envoya deux portraits modernes, puis, repris par sa passion du vieux temps, il exposa Propos galants* et Charles le Téméraire entrant à cheval dans l'église de Nesles. Ces deux toiles lui firent décerner par ses confrères la médaille d'honneur et révélèrent Roybet à beaucoup de gens qui le prirent pour un débutant.
M. Roybet s'adonna alors plus particulièrement qu'il ne l'avait encore fait au portrait. Ce genre devait être moins productif que l'autre, car il ne l'a pas supplanté et M. Roybet continua à brosser des toiles anecdotiques comme La main chaude*, Les savants, etc. Pour aimer son art, cet artiste, n'en perd pas la raison et de deux tableaux celui qu'il préfère est toujours celui qu'il a vendu le plus cher. Propos galants lui a rapporté cent mille francs. Il le considère comme l'un de ses meilleurs.
C'est parce qu'il le savait d'un commerce  facile que le trop fameux Frédéric Humbert songea à l'auteur de La Main chaude lorsqu'il voulut se donner un professeur de peinture. Nous ne connaissons pas le prix du cachet, mais nous savons par M. Roybet lui-même que la leçon consistait, pour lui, à peindre, pour Frédéric Humbert, à signer, et que son élève n'avait aucun sens artistique: une vision très nette en affaires, mais déplorable en peinture, disait M. Roybet, et il ajoutait finement, ce n'est pas tout à fait la même chose.
Ce n'est pas la même chose, mais ne croyait-vous pas, cher Maître, qu'on peut faire à la fois ses affaires et sa peinture?

                                                                                                                           Jean-Louis.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 30 juin 1907.

* Nota de Célestin:

Un fou sous Henri III.







La femme au perroquet.






Chanson à boire.





Propos galants.





La main chaude.


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