jeudi 14 décembre 2017

Paludiers de Bourg-de-Batz.

Paludiers de Bourg-de-Batz*.

Entre l'embouchure de la Loire et celle de la Vilaine sur une large bande de rivage bordée de dunes, vit la curieuse population des paludiers de Bourg-de-Batz et de Guérande. Là le sol est semé d'étangs et de marais, et on y récolte... du sel.
Les marais salants sont divisés en petits compartiments où l'eau de mer s'évapore, laissant déposer au fond le sel, qu'on recueille au moyen de racloirs de bois. Les sauniers ou paludiers, qui vivent de ce travail, font un petit monde à part, distinct par ses mœurs, ses usages, son costume. Bretons d'origine, la plupart parlent le français. Ils se fréquentent, se réunissent, se marient entre eux; ils s'appellent volontiers cousins, et semblent en effet ne faire qu'une grande famille. 



Paludier de Guérande.

Vous les voyez passer, allant au travail, avec leur blouse blanche, des braies de toile bouffantes, à la bretonne, nouées aux genoux par des rubans, et des guêtres de toiles, de gros sabots ou des souliers, avec leur large chapeau; ils portent sur l'épaule le râteau et la pelle.
Mais le costume des dimanches, des fêtes et des foires, des noces, est, au contraire, très brillant et très singulier. 
D'abord le chapeau de feutre, garni de torsade de soie de couleur, à bords immense, bizarrement relevés d'un côté: ce chapeau-là, à lui seul, dit bien des choses. Les jeunes gens portent le bord relevé sur l'oreille, les gens mariés par derrière, les veufs par devant: c'est une déclaration d'état civil.
Maintenant, imaginez une large collerette blanche à la façon des cols de nos marins, retombant sur un veston court et ouvert, de couleur vive, rouge pour les gens mariés; en dessous, chose curieuse, plusieurs gilets superposés de  couleurs voyantes et différentes, étagés, ceux du dessus plus courts, ceux du dessous plus longs afin qu'on en voit dépasser une bande d'étoffe par le bas. Ajoutez les braies bretonnes, bouffantes, en toile, plissées à petits plis en long, serrées aux genoux; des bas de laine blanche, bien tirés et des pantoufles de couleur jaune clair.
Le tout est fort original et fort joli.
Les femmes portent des jupons étagés à la façon des gilets des hommes; un corsage rouge échancré, avec des manches à revers, une ceinture de ruban, brochée d'or ou d'argent, relevant la jupe de dessus et nouée sur la hanche; puis un large tablier de soie, de vive couleur, violet, vert, rouge, orange, avec une piécette carrée, brodée de laine ou de soie, se relevant sur la poitrine; enfin la coiffe blanche, petite, pointue derrière et rattachée sous le menton par de larges rubans. Des bas rouges ou violets, rayés, des espèces de pantoufles découvertes pour chaussure, complètent la toilette de fête de la paludière.
Dans le pèle-mêle animé d'une foire, à la danse mouvementée ou dans le cortège pompeux d'une noce, toute cette chamarrure des couleurs les plus tranchées et les plus brillantes forme un ensemble chatoyant, extrêmement gai pour l’œil.
La population des paludiers est aisée, ce qu'elle doit à son activité industrieuse, à son honnêteté, à sa simplicité de mœurs et à sa sobriété. Les maisons sont propres, avec des meubles assez élégants, d'une forme traditionnelle et toute particulière.

Les peuples de la terre, Ch. Delon, librairie Hachette et Cie, 1890.

* Nota de célestin Mira: Bourg-de- Batz est l'ancien nom de Batz-sur-Mer.

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