jeudi 3 août 2017

Les négriers.

Les négriers.

On ne se doute guère aujourd'hui qu'il y a cent dix ans Paris était encore un marché public d'esclaves. Ce n'est en effet qu'en 1762 que l'autorisation royale fut retirée et que ce trafic infâme ne fut plus permis en France. 
En 1787, la Société des Amis des Noirs se fondait en Angleterre et travaillait à obtenir l'abolition de la traite. Peu de temps après une société semblable s'établit à Paris. C'est à l'Assemblée nationale et à la Convention que l'on doit la suppression de la prime accordée précédemment à ceux qui faisaient la traite des noirs pour nos colonies (17 juillet 1793). L'affranchissement de tous les esclaves fut proclamé sept mois après, le 5 février 1794 et rétabli sous le Consulat.
Le Parlement anglais décréta l'abolition de la traite en 1807 et la France adopta le même principe en 1815. Cependant l'esclavage n'a été aboli dans les colonies britanniques qu'en 1833 et dans les colonies françaises qu'en 1848 par décret du gouvernement provisoire. Les Etats-Unis d'Amérique l'ont supprimé en 1865.
Malgré les efforts de l'Angleterre et des pays civilisés qui comprennent tout ce que ce trafic d'êtres humains a de révoltant, la traite des noirs se pratique encore sur divers points de l'Afrique et de l'Océanie. L'année dernière un bâtiment de la marine du Royaume-Uni, la Wolverine, a capturé sur les côtes de Zanzibar un de ces terribles négriers. Notre vignette représente la rencontre des deux navires.




Le sort réservé aux gens assez peu délicats pour se livrer au commerce des esclaves est sévère. Ils sont passibles de la mort. Le récit suivant d'un fait qui s'est produit dans le courant de 1871 convaincra nos lecteurs que ces bandits la méritent mille fois plutôt qu'une.
En juin 1871, un certain docteur nommé James Patrick Murray fréta à Melbourne, le brick Carl. Il quitta ce port en emportant un chargement général qui éloigna tout soupçon sur le but réel de son voyage.
Le docteur Murray était cependant parti avec l'intention d'aller dans l'archipel prendre par la force des indigènes pour les revendre ensuite comme esclaves. A cet effet il attira autour de son bâtiment les Indiens trop confiants, et leurs canots n'eurent pas plutôt entouré le brick, qu'il les fit mettre en pièces au moyen de pesants morceaux de fer qu'on y jetait. On rattrapa ensuite les malheureux qui se débattaient au milieu de l'eau et on les enferma dans la cale. Ce négrier d'un nouveau genre continua ainsi jusqu'à ce qu'il eût presque complété son chargement humain. Mais enfin, affolés par les mauvais traitements et aussi par l'affreux guet-apens qui les avait enlevés à leurs cabanes et à leurs familles, ces indigènes se révoltèrent, attaquèrent l'équipage et mirent le feu au navire. Pour dompter cette révolte, le docteur Murray et ses hommes firent un affreux carnage de leurs prisonniers, en tirant au hasard dans la masse.
Le lendemain du jour où tous ces meurtres avaient été commis, après qu'on eut enlevé les écoutilles, on trouva que soixante dix de ces malheureux avaient été tués ou blessés. Tués et blessés, tous furent jetés à la mer.
Quelque temps après, cependant, les détails de ce crime horrible transpirèrent et, à Sydney, on arrêta Murray et quelques-uns des hommes de l'équipage; et justice fut enfin faite.
Mais n'est-ce pas horrible de penser que des atrocités pareilles se commettent encore de nos jours!

                                                                                                                 Ed. Morel.

Le Musée universel, revue illustrée hebdomadaire, premier semestre 1874.

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