jeudi 27 juillet 2017

Le parc Monceaux.

Le parc Monceaux.

Vous n'êtes pas sans avoir entendu parler de Grimod de la Reynière, le fermier général qui vivait au milieu du siècle dernier. Son nom a été illustré par son fils, célèbre dans les annales de la gastronomie, auteur de l'Almanach du Gourmand, et qui mourut désespéré de n'avoir pu trouver que cinq cent quarante-trois manières d'accommoder les œufs.
Le père se fit connaître à ses contemporains par le seul moyen qui fût en son pouvoir, c'est à dire en faisant des dépenses exagérées. Pour cela il acheta la seigneurie de Mousseaux, qu'on a appelé plus tard Monceaux, petit hameau dépendant de la paroisse de Clichy. Il fit des dépenses énormes pour embellir le château de Bel-Air, qui y était attenant, puis le vendit au duc d'Orléans, père de Louis-Philippe.
Celui-ci surpassa le financier en dépenses et prodigalités. Il nivela le terrain, abattit toutes les maisons, et en fit un délicieux jardin anglais en suivant les dessins de Carmontel. L'artiste tira un parti merveilleux de ce terrain nu et aride; il y créa des accidents, il y conduisit de l'eau en abondance. Il y établit des tombeaux, des temples, des pagodes, des obélisques, des kiosques, des grottes, un château fort en ruines, un moulin à vent hollandais et une pompe à feu. Il abrita les allées sous des arcades de vignes taillées à l'italienne, et sema partout des jeux de bague, des jets d'eau, des fontaines et des cascades.
Malgré cette variété, il ne put créer une de ces magnifiques villas qui font encore, à Rome, l'admiration des touristes: le ciel, le climat et le talent de l'artiste ne s'y prêtaient pas. Malgré ses défauts de goût, la Folie-Monceaux, comme on l'appelait alors, était une merveille dans son genre, et Dellile la chanta dans son poëme des Jardins.
A l'extrémité était un pavillon isolé: c'était la petite maison du duc d'Orléans. On donnait ce nom à des maisons cachées dans les environs de Paris que possédaient les grands seigneurs et les riches financiers pour y faire leurs parties fines. C'était dans de semblable réunions, composé de tout ce que Paris avait d'élégant, qu'on jouait les comédies grivoises de Collé.
La convention affecta le parc Monceaux à divers usages; un peu plus tard, il fut transformé en promenade. 



C'était, en effet, une véritable promenade que d'y venir, car la ville était loin de s'étendre jusque-là. Une des rues les plus éloignées du centre était alors la rue de la Chaussée-d'Antin qui portait dans ce temps le nom de rue du Mont-Blanc. 
Napoléon, devenu empereur, reprit possession du parc Monceaux et le donna à l'archi-chancelier Cambacérès. Celui-ci vint quelquefois y promener son gros ventre, en compagnie de ses acolytes habituels. Mais il aimait encore mieux les galeries du Palais-Royal, où sa haute stature, son costume étincelant de pierreries, la grande plume blanche de son chapeau attiraient chaque soir le regard des badauds et des provinciaux. Bientôt, effrayé des dépenses d'entretien d'un parc qui lui servait si peu, il le rendit à l'empereur qui le réunit aux biens de la couronne. 
En 1814, le parc Monceaux fut rendu à la famille d'Orléans, qui le posséda jusqu'au décret de 1852. Jusqu'à l'ouverture du boulevard Malesherbes, le parc qui était indivis entre l'Etat et les héritiers de la princesse d'Orléans, resta fermé au public. A cette époque, il devint la propriété de la ville de Paris, qui le transforma complètement. La moitié à peine du parc subsista, le reste fut employé à créer un riche quartier et de larges voies de communication.
Cette partie conservée du parc est assurément une des plus jolies promenades de Paris, avec ses magnifiques hôtels qui l'entourent, précédés de jardins et fermés de grilles, avec ses trois entrées monumentales et sa grille en fer, chef-d'oeuvre de la serrurerie moderne; avec ses voies carrossables, ses massifs de fleurs sans cesse renouvelés, sa rivière, son tombeau, son bois de hautes futaies et sa belle naumachie, vaste bassin ovale entouré d'une colonnade corinthienne.
La vue de l'arc de triomphe de l'Etoile et de l'église russe avec son toit doré, complètent le coup d’œil magique qui s'offre au promeneur.

                                                                                                              J. P. Sauveterre.

Le Musée universel, revue illustrée hebdomadaire, premier semestre 1875.

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