samedi 6 mai 2017

Loi salique.

Loi salique.


La loi salique était la loi des Francs à l'époque où ils firent la conquête des Gaules. Souvent on confond avec elle plusieurs autres lois destinées à d'autres peuples barbares à peu près du même pays et du même temps, et qui paraissent avoir été presque entièrement calquées sur la loi salique: telles sont les lois des Ripuaires, la loi des Allemands, la loi des Bavarois, la loi des Thuringiens, la loi des Frisons, la loi des Saxons, etc.
Suivant quelques autres, la loi salique était celle des Francs qui habitaient entre la Loire et la Meuse; et la loi des Ripuaires, celle des Francs qui habitaient entre la Meuse et le Rhin. Au reste, comme tous ces peuples avaient la même origine et les mêmes mœurs, on donne à la collection de leurs lois le titre de Code franc.
C'est une opinion assez généralement admise que les lois des Francs furent écrites peu de temps après leur établissement dans les Gaules; mais il est probable que leur confection complète ne date pas de la même époque, et qu'elle fut amenée par les accroissements successifs et les besoin du nouvel état.
La loi salique ne traite que succinctement des matières civiles, des contrats et des successions. Presque toutes les dispositions en sont destinées à la répression des crimes les plus fréquens chez les peuples encore barbares, comme les vols, les meurtres, les injures, les violences.
Les mêmes actions n'étaient pas toujours punies de la même manière: la gravité de la peine variait selon la qualité du coupable. Si la loi politique des Francs avait laissé une sorte d'égalité entre les vainqueurs et les vaincus, il n'en était pas de même de la loi criminelle; elle consacrait au contraire entre eux des différences humiliantes et injustes. Comme chacun pouvait faire, et était même tenu de faire choix de la loi sous laquelle il prétendait vivre, ces différences dans l'application des peines, ces avantages attachés à être tenu pour Franc et à se soumettre à la loi des Francs, durent contribuer à faire rapidement disparaître le nom gaulois et le nom romain. Sous ce rapport, il y avait quelque profondeur à amener ainsi la fusion des deux peuples.
La peine de mort n'était que très rarement prononcée; la plupart des crimes ne donnaient lieu qu'à des amendes pécuniaires, ou à des coups de fouet pour ceux qui n'avaient pas les moyens de payer. Ces peines, nommées compositions, n'étaient, en quelque sorte que des dommages-intérêts alloués avec une grande exactitude. Ainsi la loi des Frisons, qui est une des plus courtes, n'y emploie pas moins de 164 articles; c'est un vrai tarif de blessures, avec l'énumération de toutes les parties du corps humain. Les injures par paroles sont évaluées avec la même exactitude, et l'on peut y voir les expressions qui passaient alors pour offensantes. Des titres particuliers sont affectés aux vols de toutes sortes d'animaux, jusqu'aux chiens, dont on spécifie les différentes espèces; enfin on parle de celui qui empêche un autre de passer dans un chemin, de celui qui écorche un cheval, etc.
Nous avons dit que les peines variaient selon la qualité des coupables; en voici quelques exemples: celui qui tuait un Franc devait payer 200 sous à ses parens; celui qui tuait un Romain n'était tenu de payer que 100 sous, et même 45, si ce Romain était tributaire; si un Romain enchaînait un Franc, il devait trente sous de composition; si un franc enchaînait un Romain, il ne devait que 15; un franc dépouillé par un Romain avait 62 sous et demi de composition; un Romain dépouillé par un franc ne recevait qu'une composition de 30 sous.
Quant aux preuves, il paraît que d'abord on ne faisait aucun usage de l'écriture; mais toujours on se servait beaucoup plus de témoins que de titres. A défaut de preuves d'aucune espèce, on avait recours au jugement de Dieu, aux épreuves par le combat singulier, par le fer chaud, par l'eau froide, par l'eau bouillante, etc. Seule la loi salique proprement dite n'admettait pas le combat singulier.
Quoique la loi salique ne contienne que peu de dispositions sur les successions, on sait qu'on y a puisé ce principe fameux, qu'en France les femmes ne peuvent succéder à la couronne, principe devenu une des règles fondamentales de notre monarchie, et qui plus d'une fois la empêchée de passer sous le sceptre d'un étranger. Le texte sur lequel on s'est fondé, texte dont tant de gens ont parlé, et que si peu de gens n'ont lu, est l'article 6 du titre des Alleux; il est ainsi conçu: "Aucune portion de la terre salique ne passera aux femelles; mais elle appartiendra aux mâles, c'est à dire que les enfans mâles succéderont à leur père." c'est Montesquieu qui traduit.
Le mot sala signifiait chez les Francs maison; la terre salique, c'est la terre qui entourait la maison.
"Les Germains, nous dit Tacite, n'habitaient point de villes; ils ne peuvent souffrir que leurs maisons se touchent les unes les autres. Chacun laisse autour de sa maison un petit espace ou terrain qui est clos et fermé."
Tacite et César nous apprennent encore que les terres que les germains cultivaient ne leur étaient données que pour un an, et que, ce temps expiré, elles redevenaient publiques. Ils n'avaient donc de patrimoine que la maison et l'enceinte qui l'entourait. C'est ce patrimoine particulier qui appartenait aux mâles; et, en effet, pourquoi aurait-il appartenu aux filles qui passaient dans une autre maison?
Comme cette enceinte, la terre salique dépendant de la maison, avait d'abord été la seule propriété du Germain; plus tard, quand les francs acquirent des propriétés, on continua à les appeler terres saliques.
La loi qui appelait les mâles seuls à recueillir la propriété de la maison paternelle était donc uniquement une loi civile; plus tard, ce ne fut que par extension et par analogie qu'on l'appliqua à la succession du trône, et qu'elle devint une loi politique.
Ainsi, à la suite de quelques développements sur les applications de cet article, Montesquieu ajoute: "Après ce que nous venons de dire, on ne croirait pas que la succession personnelle des mâles à la couronne de France put venir de la loi salique; il est pourtant indubitable qu'elle en vient: je le prouve par les divers codes des peuples barbares. La loi salique et la loi des Bourguignons ne donnèrent point aux filles le droit de succéder à la terre avec leurs frères; elles ne succédèrent pas non plus à la couronne. La loi des Visigoths, au contraire, admit les filles à succéder aux terres avec leurs frères; les femmes furent capables de succéder à la couronne. Chez ces peuples, la disposition de la loi civile força la loi politique."
La loi salique et les autres lois de France sont écrites d'un style si simple, qu'elle serait fort claire si tous les termes étaient en latin; mais elles sont hérissées de mots barbares, soit faute de la part du latin des fournir les mots propres, soit pour servir d'explication. De ce mélange on tire cette conséquence, que ces peuples n'écrivaient point en leur langue; car il eût été plus commode d'écrire ces lois dans leur idiome, que de les écrire en un latin rempli de mots francs ou allemands.

Le Magasin pittoresque, 1833, livraison 28.

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