samedi 18 mars 2017

Ceux dont on parle.

Willette.

Petit, rondelet, figure glabre enjouée et spirituelle: tel est Willette. Il montra de bonne heure une vocation sérieuse pour le dessin, et entra à l'Ecole des Beaux-Arts, dans l'atelier de Cabanel, qui lui apprit les règles de l'art. C'est là qu'il connut Salis, qui vint le voir quelque temps après sa sortie de l'Ecole, et l'enrôla sous la bannière du Chat-Noir. Depuis ce temps, un chat noir figure sur les armes de Willette, je veux dire qu'il en a toujours un chez lui.
Quand le fameux cabaret, en pleine prospérité, eut quitté le boulevard Rochechouart pour la rue Victor Massé, Willette et quelques-uns de ses camarades s'aperçurent qu'en travaillant pour Salis, ils compromettaient leur avenir. Outre qu'on leur tenait rigueur des plaisanteries mordantes et souvent grossières de leur directeur, on affectait de ne pas prendre au sérieux les peintres et les poètes de Montmartre.
Willette se sépara donc de Salis, pour lequel il n'a conservé qu'une modeste estime, les dessins ci-dessous de l’Âne rouge *en font foi.




Il travailla pour le Courrier français, de M. Jules Roques. Il fonda plus tard un journal: Le Pierrot (1888), qui eut une courte durée et qui lui attira des poursuites en justices. Pierrot, comme on sait, est la figure préférée de Willette, qui l'a représenté en mille occasions différentes, tour à tour galant, satirique ou joyeux. Lui-même n'a pas craint d'incarner son héros en revêtant en public le costume d'un Pierrot noir.




Il y a quelques mois, Willette, se trouvant malade, et voulant aller faire une cure dans le midi, décida d'organiser à l'hôtel Drouot une vente de ses dessins, pour se procurer l'argent qui lui manquait. On vit dans cette exposition la série de dessins intitulés le Singe, des dessins coloriés: sur l'un figurait l'aveugle du pont des Arts, portant sa pancarte avec cette inscription: "Aveuglé par le talent", et sur la couverture du catalogue: Achetez, il va trépasser!
La maladie ne lui avait pas enlevé son ironie.
C'est surtout contre les Anglais et contre l'art académique que cette ironie s'exerce avec le plus de verve. Mais Willette n'est pas, à proprement parler, un "blagueur". Il est très souvent gracieux, sentimental et poète. Il fait même de la grande peinture: la décoration d'un salon de l'Hôtel de Ville lui a été confiée. Il rajeunira la peinture officielle et y introduira des personnages bien vivants, sous le ciel clair de Paris, dans le rayonnement du grand soleil doré. Mais M. Bouguereau lui succédera-t-il dans la caricature?

                                                                                                                            Jean-Louis.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 23 avril 1905.

*Nota de Célestin Mira: l’Âne rouge personnifie le célèbre Salis qui fonda à Montmartre les cabarets du Chat Noir et de l’Âne Rouge et encaissa de magnifiques bénéfices, grâce à la verve des chansonniers et poètes et au talent des artistes qui enluminaient les murs.





Guillaume Apollinaire admirait beaucoup les dessins de Willette.




Aux élections législatives du 22 septembre 1889, Willette se présente comme candidat antisémite, sans que l'on ne sache aujourd'hui si cette candidature était sérieuse ou pas (source wikipedia).





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