dimanche 19 février 2017

Danse tahitienne.

Danse tahitienne.
d'après un dessin de feu Dupouy, capitaine de vaisseau.



Le capitaine de vaisseau Dupouy, si prématurément enlevé à la France, était sorti de l'école navale en 1830. Il fit d'une manière brillante son premier voyage au Sénégal, sous les ordres de l'amiral Quernel, qui lui confia, dans un moment critique, malgré son jeune âge, le commandement d'une goélette. Dupouy servit encore sous ses ordres sur la flotte de l'Escaut, lors du siège de la citadelle d'Anvers. Il fit ensuite, comme aide de camp du vice-amiral Trebuart, les campagnes scientifiques de la Méditerranée. Plus tard enfin, il accompagna en qualité de lieutenant de vaisseau le capitaine Fournichon, commandant de la station des mers du Sud.
Pendant les loisirs que lui laissait ses travaux et ses études, il révéla le talent d'un véritable artiste; sans modifier en rien la forme des objets, il savait donner du charme et de la poésie aux esquisses les plus simples. A son retour, élevé au grade de capitaine de vaisseau, il fut chargé de l'armement d'un navire à hélice, le Marsouin, pour une expédition scientifique, et dont il eut le commandement.
Malheureusement il fut obligé de modifier ses plans, et alla rejoindre à Cayenne son ancien chef et ami, le vice-amiral Fournichon, nommé au commandement de cette colonie. Comme dans ses voyages précédents, il voulait étudier scientifiquement le pays et le parcourir en touriste, l'album à la main. Il ne suivit pas avec assez de prudence les conseils de ses amis, qui l'engageaient à ne pas trop s'exposer aux chaleurs meurtrières de ce pays. Une fièvre violente l'enleva en quelques jours. Ses funérailles furent d'un effet imposant: toute la marine pleurait sincèrement la perte d'un homme qui était considéré comme l'un de ses meilleurs officiers, et qui, sans ce fatal accident, eût sans doute contribué à sa gloire.
Ce fut dans son voyage des mers du Sud qu'il eut l'occasion de visiter Tahiti. Parmi les dessins de son album qui rappelle son séjour dans cette île, nous avons choisi celui qui représente une danse de jeunes Taïtiennes. 



C'est la danse que l'on a souvent citée sous le nom de Upa-Upa, et où s'exprime et où s'exprime avec le plus de grâce et d'énergie toute l'ardeur des jeunes insulaires. Cette scène d'un petit peuple encore à demi-sauvage, qu'on croirait dans l'âge d'or, ne semble pas sans quelque analogie avec le rêve de bonheur de Papety, pauvre charmant artiste mort aussi au début d'une carrière où il avait si brillamment marqué sa place.
La danse est la principale distraction des Taïtiens; aussi y déploient-ils un talent de chorégraphie inimaginable, mais généralement trop libre; et même aujourd'hui que les danseuses sont vêtues de robes blanches et couronnées de fleurs, les gestes et les figures sont encore un peu trop sauvages.
L'orchestre indigène s'est transformé depuis quelques années. Autrefois il se composait d'une flûte à trois trous, dans laquelle une de ces nymphes de la mer soufflait avec le nez, de tambours de toutes grandeurs, de trompettes marines et d'iharas, sorte de tambour formé d'un bout de bambou, comprenant un entre-nœud tout entier, percé d'un bout à l'autre, et sur lequel on frappait avec un bâton. On voit que la caisse de nos tapins et la flûte ont détrôné ces instruments primitifs.

                                                                                                             Ernest Charton.

L'illustration, journal universel,  janvier 1855.

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