samedi 10 décembre 2016

Le vieux grognard.

Le vieux grognard.


Toutes les scènes créées sur la toile par le célèbre peintre Bellangé respirent la vie, l'animation, le mouvement, en même temps qu'un profond naturel doublé d'une simplicité vraie; je dirai même, dans certaines scènes intimes de naïveté du meilleur aloi, ce dont on peut juger d'après le spécimen présenté par la lithographie dons nous donnons ici la reproduction.




Quelle bonhomie dans cette scène familiale entre le vieux guerrier et la mignonne enfant qui joue "au dada" sur ses genoux, tout en essayant de déguster (qu'elle prenne garde au résultat) la superbe pipe du héros! Et par quel heureux contraste se trouvent assemblés, dans cette scène charmante, l'aurore et le déclin de la vie: la petite fillette, dont le frais et souriant visage et le corps potelé respirent la joie, l'insouciance, l'unique préoccupation de bien boire, bien manger, bien dormir et bien jouer, et le grognard, au mâle et rude visage, à la barbe longue et à la chevelure en brosse, dont la physionomie exprime à la fois la mélancolie, fille des désillusions humaines, et la satisfaction du devoir accompli dans la périlleuse carrière des armes!... D'un côté, une gentille fleurette à peine éclose, tout enluminée des fraîcheurs d'un riant matin; de l'autre, un chêne robuste, à la frondaison rude et hirsute, que n'ont pu entamer les fureurs des autans et les éclats de la foudre; la grâce et la force, la frêle enfance dans son charme et la maturité dans toute sa plénitude: quelle belle union!
Joseph-Louis-Hippolyte Bellangé naquit à Paris en 1800. Élève du peintre Gros, et déjà hanté, dès ses plus jeunes années, par les magnifiques épisodes de l'épopée napoléonienne, il ne pouvait manquer, étant donnés ses exceptionnelles dispositions artistiques et les leçons de son illustre maître, de se placer au premier rang parmi nos peintres d'histoire.
C'est ainsi que parurent, avec un succès largement mérité: Le Retour de l'île d'Elbe, la Bataille de Fleurus, le Passage du Mincio, la Prise de la Lunette Saint-Laurent, la Bataille de Wagram, la Prise de Téniah de Mouzaïa, les Batailles de la Corogne et d'Ocana, la Bataille de l'Alma, Episode de la prise de Malakoff, etc.
Citons parmi ses nombreuses scènes intimes: La Visite du Curé, un Duel sous Richelieu, le Coup de l’Étrier, le vieux Grognard, la Régalade, etc.
Toutes ces scènes sont animées: les unes, d'un expression très vivante et d'une réelle bonhomie; les autres, d'un sentiment dramatique puissant et d'une scrupuleuse vérité historique; le dessin y est correct et précis, le coloris brillant et original, et, ce n'est pas le moindre éloge qu'on en puisse faire, elles personnifient à merveille notre bel art français.

                                                                                                            Emile Fouquet.

Le Magasin pittoresque, 1er décembre 1913.

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