mercredi 28 décembre 2016

La fin de l'année.

La fin de l'année.


La question des étrennes n'est pas terminée, et le jour de l'an a prolongé son règne de vingt-quatre heures. Les boulevards n'ont pas cessé d'offrir le magique aspect d'un champ de foire dont les boutiques, à moitié dévalisées, allèchent encore l'oisif et le passant. Tel de ces magasins, bâti sur quatre lattes, comme l'établissement de Janot, luttera jusqu'à la dernière heure contre l'élégance du voisin, le marchand patenté et à domicile.
Sur cette double ligne d'où les arbres ont disparu, vous aurez remarqué sans doute, avec notre dessinateur, des effets de verdure et de feuillage obtenus par les débitants d'oranges. 




C'est une ornementation suffisamment touffue pour faire envie aux bosquets du Château-Rouge.
Quant au marchand de bonbons de la place Maubert, son effet mérite aussi d'être signalé et croqué plutôt que sa marchandise. C'est le pêcheur à la ligne en terre ferme. Son hameçon, c'est une dragée! que les gamins tentent de happer au passage; mais ils sont toujours attrapés, à moins que le marchand ne laisse le poisson gober l'hameçon pour achalander son commerce. 



On entre au jeu pour un sou. Ce sont là les délices de l'enfant du pauvre: son plus grand bonheur, c'est une espérance, et il s'en donne tout son sou. Qu'a-t-il besoin d'ailleurs de le dissiper dans des emplettes? une montre de cinq centimes et qui ne sonne pas, un pantin de six liards et qui ne remue pas, à quoi bon? Est-ce que son imagination ne lui a pas donné l'étrenne de tous les joujoux? sur les jouets de l'enfant du riche, il a prélevé la dîme de la curiosité, il est entré dans son bonheur par droit de flânerie. Au surplus, il sait par cœur les surprises du jour de l'an pour les avoir vu faire. Il a assisté à la toilette de toutes les poupées. Est-ce que ces tambours et ces trompettes n'ont pas sonné leurs fanfares à ses oreilles? est-ce qu'il n'a pas vu rouler tout le premier la mécanique de ces carrosses microscopiques où le bambin à panaches ne montera jamais. Et le palais de la fée! assurément, il n'en sera jamais le propriétaire, mais que de fois il y est allé en visite!
N'oublions pas plus longtemps, ces deux dessins de circonstance: la Veille des Rois en Provence, le Jour des Rois, en Bretagne. 



La Veille, ce sont des myriades d'enfants parcourant les bois, les vallées, les campagnes, la torche en main, et répandant partout l'incendie, un incendie de feu de paille. Quand les munitions sont épuisées, on fait une dernière flambée, autour de laquelle; les jeunes gaillards exécutent une ronde joyeuse.




Le jour des Rois, c'est le tête à tête de deux paysans bretons, dans le cabaret où ils se partagent le pain de froment sucré de miel, et qu'ils arrosent d'un verre de vin bleu. Le festin n'est pas magnifique, et le gâteau n'est pas un morceau de roi; mais pour un campagnard condamné au pain sec et noir l'année durant, c'est un joli pique-nique; ajoutez qu'on le savoure en cachette, loin de la ménagère, qui ne saurait approuver ces excès de consommation.

                                                                                                                      Philippe Busoni.

L'Illustration, journal universel, 6 janvier 1855.

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