lundi 17 octobre 2016

Industrie parisienne.

Industrie parisienne.


Un fait qui ne peut être contesté, c'est le déplacement du centre des commerces de luxe dans Paris. Après avoir été longtemps le pivot de cette centralisation, le Palais-Royal a vu s'échapper peu à peu de ses galeries ses plus riches industriels, qui se réfugièrent d'abord dans la portion ancienne de la rue Vivienne, atteignirent ensuite la place de la Bourse, s'étendirent dans la nouvelle rue Vivienne, et firent ensuite irruption sur les boulevards, se prolongeant à droite jusqu'à la rue du Faubourg-Poisonnière, et envahissant toute la partie gauche jusqu'à l'église de la Madeleine.
C'est ainsi que d'anciennes maisons, abandonnant, soit par l'effet de l'expropriation, soit de plein gré, leurs situations connues, sont allées, comme Giroux, faire construire de brillantes galeries au boulevard des Capucines, et comme Verdier, transporter sa forêt vierge de cannes et d'ombrelles en bois précieux au boulevard de la Madeleine.
Dans ce déclassement, la rue de Richelieu a circonscrit entre les rues des Filles-St-Thomas et Feydeau le haut commerce des châles, exploité par quatre grands établissement, dont un des plus remarquable est, sans contredit, le magasin, nous pourrions dire le bazar de la Compagnie des Indes.


Magasin de cachemires et dentelles de la Compagnie des Indes,
rue de Richelieu, 80.


Achetés directement dans l'Inde pour le compte de cette maison, ou fabriqués à Paris sur des dessins qui sont sa propriété exclusive, c'est par monceaux que les précieux tissus de Cachemire et de France s'entassent sur ses rayons pour aller s'offrir en surprises et en cadeaux d'étrennes, ou prendre place dans les riches corbeilles de mariage; à cette spécialité qui constituerait à elle seule une source de fortune, la maison de la Compagnie des Indes a cru devoir joindre un assortiment varié de dentelles noires et blanches des fabriques les plus renommées de Bruxelles, Alençon et Chantilly, comprenant aussi bien les robes les plus somptueuses et les volants les plus riches que les barbes, les voilettes et même les simples cols; par cette réunion, la Compagnie des Indes, a trouvé le moyen de mettre sans déplacement à la portée de sa clientèle un choix d'acquisitions appropriées à tous les désirs comme à toutes les fortunes.

En remontant le boulevard, s'élève, à l'encoignure de la rue du Helder, la façade gothique du Magasin d'arquebuserie de Devisme.




Magasin d'arquebuserie de Devismes,
7, boulevard Italien.

Sous les ogives de ses vitrines s'étale et brille, outre la série des ustensiles nécessaires à la chasse, une collection complète et variées de sabres, épées, poignards, fusils, carabines et pistolets, depuis le modèle le plus orné jusqu'au modèle le plus simple, sans que cette richesse ou cette simplicité nuise en rien à la solidité ou au fini de chacune de ces armes blanches ou à feu; c'est que Devismes est un arquebusier qui aime son art, et qui en a d'autant mieux étudié les ressources qu'il est aussi habile tireur à la cible qu'à la chasse.
L'arme ne suffit pas à l'équipement du chasseur, qui réclame, comme complément indispensable, un vêtement imperméable qu'offre, dans la rue Vivienne prolongée, le dépôt des tissus de cette nature, que MM. C. Guibal et compagnie font fabriquer dans une importante usine d'Ivry-sur-Seine;



Guibal et Ce, rue Vivienne, n° 40
tissus, vêtements et objets divers en caoutchouc.


De cette usine, dont les divers appareils sont mis en mouvement par une machine à vapeur de la force de 60 chevaux, sortent entièrement préparés et confectionnés, non-seulement tous les tissus et vêtements imperméables au moyen du caoutchouc mis en dissolution, mais encore toutes les étoffes, fils, tuyaux, courroies et autres objets de toute nature auxquels se prête la substance si admirablement élastique du caoutchouc.
Quelques anciennes maisons ont cependant résisté à cet entraînement vers les quartiers de la mode:
D'abord, les ateliers et les galeries d'horlogerie, d'orfèvrerie, joaillerie et bijouterie de C. Detouche sont demeurés inamovibles aux numéros 158 et 160 de la rue Saint-Martin, se vidant tous les jours d'une fabrication tous les jours renouvelée des articles qui forment la quadruple exploitation de leur propriétaire.



Detouche, rue Saint-Martin,
orfèvrerie, bijouterie et horlogerie.


Nous citerons encore dans cette catégorie le magasin du confiseur Terrier, dont les palmiers d'or qui lui servent d'enseigne sont aussi avantageusement connus en toute saison par l'excellente qualité de ses bonbons, marrons glacés, dragées de baptême, sirops, conserves et autre produit de l'art du confiseur, que renommés à l'époque du jour de l'an par l'immense variété de ses sacs, boîtes, paniers, cartonnages et autres fantaisies plus ou moins richement ornées qui constituent l'article spécial des étrennes.


Magasin de bonbons de Terrier, aux palmiers,
rue Saint-Honoré, n° 254.



En faisant un retour vers la partie ancienne de la rue Vivienne, on trouve le magasin de parfumerie de la Belle Jardinière, maison honorable à laquelle son chef, M. Mignot a su conserver toute l'ancienne renommée d'une excellente fabrication, en y joignant quelques préparations nouvelles qui lui sont particulières,


Mignot, à la Belle Jardinière, rue Vivienne, n°40,
fabrique de parfumerie et brosserie.


et parmi lesquelles on peut citer, après la Gazette médicale et sans crainte de se compromettre, l'aspasine, crème émulsive ou poudre végéto-animale, dont la propriété hygiénique est de remplacer tous les blancs de fards sans aucun des dangers attachés à toutes les préparations plastiques à base invariablement minérales, dont l'emploi, surtout chez les personnes attachées au théâtre, altère en peu de temps l'éclat et la fraîcheur du teint, et peut même, par un usage prolongé, produire de graves désordres dans l'économie générale.
Dans la partie plus neuve et la plus avancée du boulevard de la Madeleine, Mlle Virginie Maillard, a ouvert à l'enseigne du Régent, une brillante maison spécialement consacrée à la mise en oeuvre et à l'entretien des fourrures de tout genre  pour dames, telles que manteaux, pelisses, manchons, camails, berthes,  etc.;


Mlle Virginie Maillard, au Régent, boulevard de la Madeleine, 
Spécialités de fourrures et confections.


comme complément à ce commerce de luxe, dans un salon réservé à leur essai, un assortiment de manteaux, mantelets, écharpes, basquines, sortie de bal, et autres confections en velours, soie et étoffes, dont les modèles, d'une coupe toute nouvelle, sont la propriété particulière de la maison du Régent.

                                                                                                                             G. F.

L'Illustration, journal universel, 16 décembre 1854.

2 commentaires:

  1. Bonjour,
    J'aimerai pouvoir echanger avec l'auteur de cet article pour un ouvrage en preparation.
    Cdt,
    Laurent

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  2. Cher Laurent, je crains fort que votre requête soit vaine. L'auteur qui a signé GF, a écrit cet article en 1854!

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