mercredi 17 août 2016

Les loyers de Paris, les maisons de bois.

Les loyers de Paris, les maisons de bois.


Les bourgeois de Paris, en 1856, ont été réduits à se coupler dans leurs logements, grâce à la cherté croissante des loyers (1)
Quelques uns se sont décidés à faire bâtir par économie. D'autres ont élu domicile dans des fiacres à deux francs l'heure, qu'ils occupent seulement pour manger et pour dormir; et même ils suppriment les heures de repas, qu'ils font, au prix de la carte, dans les salles dorées des restaurants.
D'autres enfin ont adopté les fameuses maisons de bois de M. Seiler*, député suisse et préfet d'Interlaken, maisons exposées à tous les yeux, dans la belle avenue de l'Impératrice et à la barrière Rochechouart.
Ces logis mobiles, ou plutôt ces tentes agrandies, ces chalets perfectionnés, s'installent en quelques heures, se transportent où l'on veut, n'importe où, et peuvent faire le tour de Paris, et même du monde, avec leurs habitants.
Pour une seule famille, dit le prospectus, la maison se compose: au rez-de-chaussée, d'une antichambre, cuisine, salle à manger, petit salon et cabinet; au premier étage, de quatre chambres à coucher ou de l'équivalent; en moyenne six cents francs par an de location.
A deux ménages, payant chacun trois cents francs par année, elle offre deux appartements complets, composés chacun de deux chambres à coucher ou de l'équivalent, salle à manger, cuisine, antichambre, etc.
A quatre ménages, payant chacun cent cinquante francs par an, elle donne quatre logements composés d'une salle à manger, cuisine, chambre à coucher, cabinet, etc. Chaque appartement a son entrée séparée, et peut, au gré du locataire, modifier sa disposition.
Si les chalets Seiler réussissent, si l'on y gèle point en hiver, si l'on y cuit point en été, nous y reviendrons et nous en offrirons les dessins aux amateurs.
Pour jolis et même séduisants, ils le sont, sans contredit; mais on ne se loge pas seulement pour le coup d’œil des badauds qui passent
Un autre économiste propose ce moyen assez ingénieux de payer son loyer sans s'en apercevoir:
Il demande tout simplement la création d'une tirelire qui serait scellée dans la paroi la plus apparente de la loge du concierge. Chaque fois que le petit locataire passerait devant cet immeuble par destination, il fouillerait machinalement dans sa poche, et s'il s'y rencontrait quelques pièces de monnaie, il les déposerait dans la tirelire, dont la clef serait entre les mains du propriétaire. A chaque pièce de dix francs, de cinq francs ou même de un franc déposée par le locataire dans la bouche de la tirelire, le concierge lui remettrait un cachet locatif constatant le chiffre de la somme versée. De cette façon, il ne pourrait y avoir d'erreur, et c'est ainsi que l'ouvrier, l'employé ou le petit rentier parviendrait à diviser, à annihiler, en quelque sorte sans se gêner et sans presque s'en apercevoir, le poids d'une dette carrée dont le retour trimestriel est, pour les petits ménages, une véritable calamité.
- Mais, direz-vous peut-être, qui empêche l'ouvrier, l'employé ou le petit rentier d'avoir une tirelire particulière?
- Réponse: La tirelire particulière est un leurre! On la casse dans un moment de gêne et on dépense en un jour les économies d'un mois; mais la pièce de cinq francs, de dix francs ou de vingt francs tombées dans la tirelire des locataires ne peut plus en sortir au gré de ceux-ci.
- Sans compter, ajouterons-nous, les aumônes tacites ou connues, que les riches locataires de chaque maison ne manqueront pas d'ajouter en passant, dans la tirelire des loyers, aux versements successifs des locataires indigents, aumônes qui seraient, à chaque terme, partagées équitablement entre ces derniers.
L'idée a du bon assurément, et mérite l'examen de qui de droit.

Musée des familles, Lectures du soir, décembre 1856.

(1) L'imagination des propriétaires n'a plus de bornes pour faire valoir les moindres parties de leurs maisons. en voici un curieux exemple garanti par un journal très-grave. Une personne se présente pour louer un appartement sur le boulevard, au quatrième étage. Cet appartement a un balcon. Le prix est de quatre mille francs. La personne veut remettre le denier à Dieu au concierge, mais celui-ci répond qu'il n'a pas mission de conclure et qu'il faut s'adresser directement au propriétaire.
Le futur locataire s'exécute et fait sa visite. On tombe d'accord sur tous les points, lorsque le propriétaire ajoute qu'il se réserve la jouissance exclusive du balcon, et partant la clef du logis pour les jours de cérémonies publiques, de revues, d'entrée ou de passage de souverains, etc.
- Ce n'est point par un motif de vaine curiosité personnelle que je vous demande la libre disposition de votre balcon trois ou quatre fois par an, dit le propriétaire. Ma maison a deux balcons et je les ai loués tout deux, pour ces jours exceptionnels, à un grand hôtel qui reçoit beaucoup d'étrangers. (sic)

* Nota de Célestin Mira: Sans attendre la publication des dessins, la gravure ci-dessous présente un chalet en bois Seiler.





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