mercredi 3 août 2016

L'Américain à Paris.

L'Américain à Paris.

Les Américains adorent Paris, surtout les Américaines. Elles en comprennent l'esprit, la lumière, la gaité; elles en apprécient toute la saveur et tout le charme, mieux que les Parisiennes du terroir.
Rencontrer une Américaine à Paris est une bonne fortune pour un Parisien qui aime les femmes instruites et point prétentieuses. Le revers de l'Américaine, c'est l'Américain, père, frère ou mari. Celui-là est resté ce que la nature l'a fait: un indien britannisé. Il est rude, actif, et, comme Guzman, n'admet point d'obstacles. Il est sans préjugés et ne connait qu'une chose: les affaires, qu'une puissance: le dollar.
Là-bas, ça va bien, parce que tout le monde pense de même. Tout le monde est à genoux devant l'or suprême, et fussiez-vous Michel-Ange ou Victor Hugo, si vous n'avez pas le sou, vous n'êtes rien. Fussiez-vous l'homme le plus équivoque, si vous avez plusieurs millions, à vous les courbettes, à vous le respect, à vous toutes les gloires. L'argent est le voile qui couvre toutes les nudités humaines.
Ces idées, l'Américain les amène à Paris. Il suppose qu'on peut y acheter tout ce qui s'y trouve: talent, éducation, aristocratie. Parlez-lui d'un salon du monde, réputé pour sa distinction, il vous dira:"Combien faut-il payer pour y aller?" 




Et si lui-même donne une fête, il ne doute pas que la renommée de ses dollars lui attire tout ce que Paris compte d'hommes éminents dans la noblesse, les lettres et les beaux-arts.
L'Arc de triomphe le gêne: il offre à l'Etat de le déplacer, et il s'étonne qu'on ne puisse pas tout obtenir, en y mettant le prix.




Tout en étant généreux et bon enfant, l'Américain n'est pas galant avec les femmes. Il est timide et gauche avec elles et les considère un peu comme un joli joujou qu'il craint de briser.
Cependant le yankee se perfectionne visiblement au contact de la vieille civilisation européenne, et, comme il va vite dans tout ce qu'il fait, avant peu il sera plus policé que nous.

Physiologies parisiennes, Albert Millaud, 1887, à la librairie illustrée, illustrations de Caran d'Ache, Frick et Job.

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