mardi 26 juillet 2016

L'opportuniste.

L'opportuniste.

C'est un sceptique doublé d'un égoïste. Il n'est ni républicain, ni orléaniste, ni radical, il est opportuniste. Son objectif, c'est le pouvoir; son but, le bien-être; son ambition, un fromage de Hollande.




Quand il était le maître, on le rencontrait gros, gras, fleuri, la figure rubiconde, le ventre en avant, avec des yeux gais, un sourire avenant et le verbe haut. Bon dîner, cigares exquis et bocks à discrétion. Peu de scrupules et pas de principes. L'intérêt personnel avant tout. Tout était bien, qui finissait bien... pour lui. La République, c'était son home. Il était l'homme du bon Horace: c'était l’Épicurien du Caveau*, ayant remplacé la chansonnette par un vote ministériel.
Charmant homme, spirituel et bon garçon, déjeunant de ses convictions, dînant de ses programmes et soupant à tous les râteliers. Vitellius parlementaire, il trouvait qu'une bonne situation ne sentait jamais mauvais, usant de l'argent de la France, comme un fils prodigue de l'argent de son père.




Aujourd'hui l'opportunisme est descendu de son échelle. Il sent que le terrain lui manque sous les pieds et lutte tout désorienté et tout affaibli. C'est un hanneton dans un cornet de papier. Les antennes au vent, il cherche un point d'appui. Habitués à marcher ensemble et à se soutenir les uns les autres, les opportunistes, séparés, divisés, égarés, vacillent sur leurs jambes et tâtonnent dans le vide. Ils se raccrochent où ils peuvent, les uns au radicalisme, les autres à la monarchie.




Les plus sages ont demandé une place modeste, où ils mourront dans le silence et dans l'obscurité. Les plus ambitieux essaient de résister au courant qui les emporte. Ils disaient: "Nous sommes les homme du jour." En réalité, ils ne sont que les homme d'un jour. Ce jour est passé.

Physiologies parisiennes, Albert Millaud, 1887, à la librairie illustrée, Illustrations de Caran d'Ache, Frick et Job.


*Nota de Célestin Mira: La Société du Caveau ou Caveau, crée en 1729, réunissait des bons vivants qui aimaient faire bonne chère et chanter. Ce fut l'ancêtre des goguettes.



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