lundi 11 juillet 2016

A l'école vétérinaire d'Alfort.

A l'école vétérinaire d'Alfort.


Le chien, a-t-on dit avec juste raison, est le compagnon inséparable, l'ami le plus dévoué de l'homme; mais aussi, l'homme, pourrait-on ajouter, lui rend bien son amitié et son dévouement.
Que n'a-t-on pas déjà écrit sur ce sujet, soit sur la forme héroïque en racontant les exploits des Terre-neuve et des Saint-Bernard, soit sous la forme plaisante en ridiculisant les faiblesses de la vieille fille par exemple pour son toutou préféré?
Une courte visite, qui nous montrera quelques coins pittoresques de la célèbre école vétérinaire d'Alfort près Paris, la première du monde, disons-le en passant, va nous faire surprendre quelques épisodes de cette mutuelle affection de l'homme et du chien.
Maisons-Alfort est à la fois école pour les élèves vétérinaires et hôpital pour les animaux. Une consultation y est régulièrement faite par les princes de la science vétérinaire, consultation à laquelle chacun peut amener librement et gratis l'animal malade. Et c'est des quatre coins de la France et du monde que l'on vient ainsi mettre notre Alfort à contribution.
Regardez; c'est aujourd'hui petite journée et par grand hasard, on n'a amené que des chiens. Mais aussi toute l'échelle canine y est représentée, et l'échelle humaine par conséquent.





Le collégien, la vieille rentière, le riche banquier, la petite dame, le gommeux et jusqu'à la cuisinière, tous et toutes sont là, rangés le long du mur de l'écurie, entre les piliers des portes, des boxes, sans souci de distinction ni de hiérarchie sociale, debout dans une cour, attendant la fameuse consultation.
Ils tiennent en laisse ou pressent dans leurs bras l'animal favori, Azor, Médor ou Phanor, qui, l'air marmiteux, le nez chaud, avec des petits frissons sous la peau, tremblote la fièvre et la peur, l’œil rivé à celui du maître que tout à l'heure peut être il lui faudra quitter pour être mis au chenil de l'hôpital, ou, ce qui est plus grave et ne présage rien de bon, au lazaret, c'est à dire sous séquestre et isolé comme suspect de rage.
Mais la consultation est terminée, le terrible savant, ces gens sont sans pitié!, a prononcé des mots barbares sur toutou, lequel a été amené au chenil!
Ne vous désolez pas, ma charmante lectrice au cœur sensible, car vous voyez là ce qu'il en advient le plus souvent. 





Sauvé! avec quel cri de reconnaissance ne s'en va-t-elle pas, traversant la cour à petites enjambées précipitées, la jeune femme dont le carlin malade vient d'être guéri après un court séjour à Alfort?
Elle s'enfuit, l'animal serré sur son cœur, sans même penser, tant sa joie est grande, à remercier les internes qui, tout ébaubis et pétrifiés d'admiration, la regardent s'en aller en tenant machinalement leur casquette à la main.
Ah! il y a des moments où il ferait bon être chien, n'est-ce pas messieurs?
Mais voici déjà un autre tableau: papa et bébé, papa surtout, car toutou est son préféré, vont lui rendre visite à Alfort. 





Papa a pris toutou dans ses bras et le caresse, mais avec un peu trop de sincérité et d'affection, paraît-il, car bébé est jalouse: dépitée, elle a tourné le dos, et la voila qui mange son doigt avec un air de bouderie mutine pendant que deux larmes perlent au bout de ses cils.
Tout un drame, on le voit, et des plus poignants peut être quand on connaît l'intensité et la vivacité des sensations enfantines, lesquelles passent vite, heureusement.
N'avions-nous pas raison de dire en commençant que Maisons-Alfort allait nous faire surprendre sur le vif quelques épisodes des plus probants de la mutuelle affection de l'homme et du chien!

L'Illustration, 19 décembre 1891.

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