"Le Bon Messager".

"Le Bon Messager".

Depuis quelques semaines, l'attention des promeneurs est vivement sollicitée par un bateau qui stationne au pont de la Concorde.

Le bateau.

S'il faut en croire certaines versions, ce bateau dépendrait de l'Armée du Salut; et, tandis que l'armée de terre a organisé son campement aux abords de l'Eden-Théâtre*, la flotte s'installerait sur la Seine, à quelques pas seulement des lieux de perdition tels que les café-concerts des Champs-Elysées et le Jardin de Paris**, dans l'espoir de faire une pieuse et profitable concurrence à ces funestes établissements.

La queue le dimanche. 

D'après d'autres, le Bon Messager serait une entreprise rivale, et cette goélette chargée de bonnes paroles, qui nous arrive d'outre-mer, avec un équipage d'évangélistes, appartiendrait à la Société des Missions évangéliques, qui se charge du transport des émigrants pour... le royaume des cieux.

Le Bon Messager (Herald of Mercy) est un bateau-chapelle de première classe, où l'on donne, dans l'après-midi et le soir, des conférences entremêlées de chants de cantiques.

Le programme ne diffère  guère de celui de l'établissement de la rue Scribe, et d'après les onctueuses exhortations d'un pasteur quelconque, les néophytes mettent les assistants au courant des détails de leur conversion en insistant sur les joies qu'ils goûtent depuis qu'ils ont définitivement rompu avec Satan.

Nous avons déjà consacré de curieux dessins aux cérémonies salutistes, depuis l'époque où l'on a commencé à s'occuper de cette secte bizarre: nous croyons donc intéresser nos lecteurs en leur signalant la nouvelle méthode de la propagande religieuse, qui brille surtout par son extraordinaire originalité.

Le Petit Moniteur illustré, dimanche 24 août 1890.

*Nota de Célestin Mira: l'Eden-Théâtre, construction à l'allure de temple hindou, était situé rue Boudreau dans le IXe arrondissement, à Paris. C'est actuellement le Théâtre Athénée-Louis-Jouvet.

** Jardin de Paris, Champs-Elysées.