jeudi 24 septembre 2015

"Gymkana" à Vincennes.

"Gymkana" à Vincennes.

Dessins d'après les photographies de Léon Bouet et René Béal.

Gymkana: le mot est nouveau, d'étymologie incertaine, de genre douteux. Il désigne une garden-party dont le programme comporte, à la place de danses, ou même parmi des danses, toute une série d'exercices excentriques. On en jugera par l'énumération des divertissements qui composaient le programme de la fête donnée le jeudi 11 juillet à l'hippodrome de Vincennes.
Cette fête avait été organisée par la Société de la Croix-Rouge française, au profit de l'hôpital temporaire de cent lits qui serait installé, en temps de guerre, à Montreuil. Le général baron Kirgener de Planta, commandant la 5e brigade de dragons de Vincennes, la présidait. Les officiers de cavalerie de la garnison qui en ont fait en partie les frais, et c'est l'un d'eux, le lieutenant de dragons Van Huffel qui en était le meilleur metteur en scène et comme le régisseur général. Il a fait preuve d'imagination et d'agréable fantaisie.
C'a été d'abord, au début du programme, un numéro hippique, la course à la Rose, où de brillants cavaliers poursuivaient à travers la piste, par dessus les obstacles, un de leur camarade, afin de lui arracher le gros chou et le flot de rubans flottants qu'il portait à l'épaule. Puis a commencé, avec un concours de bébés fleuris, la partie originale de la réunion. 



Rien de plus joli que le défilé, sous le radieux soleil, de ces minuscules attelages tout enguirlandés. Voici un "tonneau" garni de roses, traîné par un âne tout empanaché de roses et monté par des bébés roses, et d'autres enfants dans une voiturette fleurie que tire un poney; deux garçonnets attelés à la voiture qui porte leur petite sœur; d'autres véhicules que remorquent de bons gros chiens, et enfin jusqu'à une voiture de poupée traînée par un mignon toutou, tendant avec zèle les rubans qui lui servent de rênes. Tous ces bambins ont défilé sous les bravos enthousiastes des tribunes.
Entre temps on applaudit de nouveau, des courses de chevaux, course de la Pomme, course du Javelot, puis des courses entre les chiens d'officiers qui, pour aller rejoindre à l'autre bout de la piste leurs maîtres qui les appellent, escaladent à qui mieux mieux, dans un steeple effréné, les obstacles échelonnés devant eux; 




et les enfants reparaissent, poussant, cette fois, des brouettes sur chacune desquelles est placée une grenouille verte. 



Or, il paraît que le batracien aime peu ce genre de locomotion, car à chaque pas les bestioles sautent de la brouette pour aller gambader dans l'herbe et, au milieu des rires, amusées eux-mêmes de l'aventure, les petits courent après pour les replacer dans leurs équipages.
Tout cela n'était, au surplus, que bagatelles de la porte auprès de la course d'animaux variés qui a terminé les exercices et dans laquelle s'était engagées tout un essaim de femmes charmantes.
Les animaux qu'elles amenaient sur l'hippodrome y semblaient tous plus dépaysés les uns que les autres, et c'était parmi eux des effarements tout à fait réjouissants... pour les spectateurs. 



Ainsi, Mme la comtesse d'Andigné conduisait une tortue; Mme Grouvel une pintade; Mme Lepage, tout de blanc vêtue, guidait de sa houlette blanche, un canard blanc retenu par des rubans blanc; Mme la comtesse de Nalèche menait un pigeon, attaché à des rubans roses; Mme la comtesse Guy de Cherisey, un brave mouton noir, si ému qu'il s'évanouit, à la vue de la brillante assistance;  Mme Jouffroy, un coq; Mme Marcotte, un cochon d'Inde. La course fut fertile en péripéties. De ces animaux, les uns refusaient obstinément d'avancer, les autres partaient avec des gambades folles dans les directions les plus opposées au but, et Mme Marcotte mérita bien les félicitations qui lui furent décernées, avec la plus haute récompense, pour avoir conduit jusqu'au poteau son cochon d'Inde que suivait de près le canard blanc de Mme Lepage.

L'Illustration, samedi 10 juillet 1901.

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