mercredi 1 juillet 2015

Un jeu populaire en Belgique.

Un jeu populaire en Belgique.

Tout comme les Parisiens s'en vont le dimanche à Auteuil, à Neuilly, à Versailles ou à Saint-Cloud, ainsi s'en vont les Bruxellois à Forest, à Uccle, à Saint-Job, à Saventhem ou à Tervucren. C'est dans cette dernière localité que le hasard nous a fournit le croquis ci-joint.




Nous avons choisi ce jeu de préférence à beaucoup d'autres parce que sa destination est des plus bizarres; il est offert comme fiche de consolation, aux vieille femmes qui ne peuvent plus lutter pour d'autres prix.
Dans l'une des deux rues du village, et aboutissant à la place communale, deux chariots de paysans sont placés bout à bout, garnis de branches vertes, et traversées dans leur longueur par une corde fixée à deux perches, à la hauteur d'environ trois mètres. A cette corde sont appendus de petits pains (pistolets), bien durs et datant de quinze jours au moins.
Ces pistolets sont troués par le milieu, et suspendus à la hauteur de la bouche. Ils sont enduits d'une épaisse couche de sirop. Un peloton de femmes "d'un âge incertain" s'avance au son du tambour. Elles se mettent en ligne sur les chars, les mains croisées derrière le dos et attachées par une ficelle dont le bout est fixé à l'échelle du chariot. C'est un vrai pilori.
A un signal donné, les servants du jeu secouent les perches, et les petits pains de voltiger dans toutes les directions. La lutte commence; c'est à celle qui saisira le plus adroitement l'appât, et l'aura mangé la première, qu'appartiendra le premier prix. Il faut voir les figures grimaçantes de ces pauvres vieilles femmes, et quelles peines elles se donnent pour saisir ces traîtres petits pains qui leur maculent le nez, le menton, la joue ou les cheveux. Nous en avons vu entourer de sa ficelle le cou d'une concurrente; sa voisine de gauche le saisit tandis que celle de droite, l'ayant manqué, happe à belles dents l'oreille de la pauvre victime à moitié étranglée, aveuglée par le sirop, hurlant et gesticulant. Une autre, voulant s'aider du genou, prend une pose un peu risquée, mais honni soit qui mal y pense.
Enfin, la farce est assaisonnée de gros sel. Ce sont les gueux de Téniers, dans tout la brutalité de leur sève.

                                                                                                                         L. B.

La mosaïque, Revue pittoresque illustrée de tous les temps et de tous les pays, 1878.

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