jeudi 30 avril 2015

Une montre du dix-septième siècle.

Une montre du dix-septième siècle.
de l'échappement à virgules inventé par Beaumarchais.



Le dessin suivant représente une montre en or du dix-septième siècle, sa chaîne, sa clef et son cachet. Le coq ou pont circulaire, placé à côté de la montre, prouve que les pièces accessoires du mécanisme intérieur n'étaient pas non plus dépourvus d'ornements ciselés et gravés.




Ces bijoux utiles, qui, pendant le seizième siècle, avaient affecté les formes les plus capricieuses, celle du gland, de l'olive, de la coquille, de la croix latine, reçurent, sous Louis XIV, la forme lourde et gênante d'une boule aplatie du côté du cadran.
Quelquefois on demande pourquoi les horlogers du dix-septième siècle, et même ceux du commencement du dix-huitième, ne firent pas des montres plus plates et par conséquent plus commodes que celles qui nous sont restées de ces époques. Voici ce que l'on peut répondre à cette question.
Les montres, avant l'invention de l'échappement à cylindre par Graham, avaient toutes un échappement à roue de rencontre, lequel par sa nature prend une très-grande place entre les platines du mouvement (1), ce qui oblige de laisser substituer un grand espace entre elles. D'un autre côté, le balancier, dont l'axe se trouve dans la position verticale relativement au plan de la machine, et qui est muni de deux palettes au-dessus  l'une de l'autre, lesquelles sont frappées alternativement par les dents de la roue de rencontre ou d'échappement; ce balancier, disons-nous, fait ses oscillations au-dessus de deux platines, et il est lui-même surmonté par le coq, dans le centre duquel roule le pivot supérieur de l'axe. On voit combien toutes ces pièces tiennent de place en hauteur dans l'économie du mécanisme: c'est ce qui explique la grosseur et la rotondité des montres dont le système est celui à roue de rencontre.
Si nous sommes parvenus à faire, à notre époque, des montres extrêmement plates, c'est grâce à l'échappement à cylindre (2); cet échappement a cela de particulier que sa roue, munie de petits marteaux que l'on distingue parfaitement en ouvrant une montre moderne, peut être extrêmement plate, et elle tourne parallèlement aux platines, ce qui permet de rapprocher celles-ci l'une contre l'autre autant qu'on le désire: alors on a un mouvement très-mince; il l'est d'autant plus que le balancier lui-même fait ses vibrations dans l'épaisseur de la platine supérieure que l'on a coupé circulairement pour cet effet. Quant au coq qui recouvre et soutient le balancier, il peut avoir moins d'une demi-ligne de hauteur. Disons d'ailleurs que, depuis longtemps déjà, on a supprimé dans le mouvement des montres la platine supérieure; elle est remplacée très-avantageusement par plusieurs petits ponts, entre lesquels fonctionnent les roues, les pignons et l'échappement. Cette disposition est encore très-favorable pour la fabrication des montres plates. Ce fut l'horloger Lépine qui, à la fin du dix-huitième siècle, inventa ce nouveau calibre; et les montres qui furent établies suivant ce système prirent le nom de montres à la Lépine.
Vers le même temps, on dut un autre perfectionnement à l'auteur du Mariage de Figaro, Pierre-Augustin Caron, qui était, comme on le sait, fils d'un horloger tenant boutique rue Saint-Denis, presque en face de celle de la Ferrronnerie. Il avait appris l'état de son père, et, à l'âge de dix-neuf ans, après bien des travaux pénibles, il était parvenu à construire un échappement nouveau d'une disposition très-heureuse, et qui produisit une grande sensation parmi les horlogers de l'époque.
Une roue plate et un balancier circulaire, monté sur un axe en acier, composaient cet échappement. La roue avait à peu près la forme d'un couronne autour de laquelle, de l'un et de l'autre côté, on avait fixé un nombre déterminé de petites chevilles ayant entre elles une égale distance et étant dans une position verticale, relativement au plan horizontal de la couronne.
L'axe du balancier portait deux pointes d'acier ayant la forme d'une virgule, et qui se dirigeaient horizontalement vers le centre de la roue en pénétrant entre ses chevilles. Lorsque cette roue tournait sur elle-même, entraînée par la force motrice, les chevilles poussaient alternativement, tantôt à droite, tantôt à gauche, les virgules de l'axe, et c'était là ce qui constituait les vibrations du balancier.
On comprend le jeu de cet échappement; voici quelles sont ses qualités: il est à repos comme celui à cylindre; il fait décrire au balancier de très-grands arcs qui s'accomplissent dans une remarquable uniformité de durée. Ces qualités n'existent pas dans l'échappement dit à roue de rencontre, lequel était à peu près le seul en usage à l'époque dont nous parlons.
L'horloger Lepaute, qui avait eu connaissance de l'échappement du jeune Caron, en comprit toute l'importance, et, l'ayant légèrement modifié, il s'en déclara l'inventeur. Caron indigné protesta avec énergie; Le paute maintint hardiment ses prétentions; les horlogers se séparèrent en deux camps; enfin l'Académie des sciences fut appelée à se prononcer entre les deux compétiteurs: les pièces du procès lui furent remises; une commission nommée par elle les examina; bref, après une enquête minutieuse, l'illustre compagnie déclara que Pierre-Augustin Caron était l'inventeur de l'échappement dont il était question.
Ce fut là le premier procès et le premier triomphe de Beaumarchais, qui en profita pour se mettre en évidence. Le roi Louis XV l'appela à la cour, le nomma son horloger. Madame de Pompadour voulut avoir une montre de sa façon, et celle que Beaumarchais lui fit, d'après son nouveau système, tenait dans le chaton d'une bague; elle fit l'admiration de la cour.
L'échappement à virgules n'est plus en usage aujourd'hui, parce que, outre qu'il est d'une pénible exécution, on lui a reconnu quelques défauts graves. L'huile s'y maintient difficilement, et les virgules, qui sont continuellement frappées par les chevilles de la roue, s'usent ou s'altèrent en très-peu de temps.
Il n'en n'est pas moins vrai que Beaumarchais, par sa remarquable invention, a rendu un très-grand service à l'horlogerie, car c'est peut être cette invention qui donna à Lepaute l'idée de l'échappement dit à chevilles, lequel est aujourd'hui employé avec succès dans les régulateurs astronomiques et dans les horloges monumentales.

(1) Les platines sont deux rondelles de cuivre fixées l'une sur l'autre et parallèlement, par quatre piliers. C'est entre ces deux platines que tournent les roues de la montre.
(2) On emploie aussi les échappements à duplex, à ancre et à détente à ressort; mais comme la fabrication en est difficile et très coûteuse, on les réserve pour les montres de précision.

Magasin pittoresque, mai 1853 ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire