lundi 20 avril 2015

Ceux dont on parle.

M. Théodore Dubois.


M. Théodore Dubois est directeur du Conservatoire national de musique et de déclamation. Pourquoi? Parce qu'il faut que le Conservatoire de musique et de déclamation ait un directeur, et qu'aucune raison grave ne s'opposait à ce que M. Théodore Dubois fût désigné pour cette fonction. La vanité et la jalousie se sont introduites chez ceux-là même qui sont chargés, comme on le sait, d'adoucir nos mœurs et certains confrères illustres aurait pu trouver mauvais qu'un de leurs rivaux occupât ce poste éminent. Le nom de M. Théodore Dubois avait peut être l'avantage de ne pas éveiller les susceptibilités de nos grands hommes. Nul n'ignore qu'en pareil cas les décisions sont ordinairement prises non pour quelqu'un, mais contre quelqu'un, et qu'il est beaucoup moins facile de nommer le candidat désigné par l'opinion publique que l'inconnu qui n'a pas d'ennemis.
M. Théodore Dubois n'est pas, à vrai dire, un inconnu: il a fait en 1861 un ouvrage qui a eu une grande réputation et qui lui a valu le grand prix de Rome: je veux parler de la fameuse cantate intitulée Atala, qu'il ne faut pas confondre avec un livre du même nom, qui est l'oeuvre d'un certain romancier appelé, je crois Châteaubriand, et qui a eu aussi son heure de succès.
La cantate de M. Dubois a sur le roman un certain nombre d'avantages, tirés des circonstances difficiles où elle a été faite: elle a été écrite en loge, et à la suite d'une maladie de l'auteur qui, atteint de la petite vérole, dut solliciter un sursis d'un mois, grâce auquel il put terminer son morceau. Avouons que M. Châteaubriand, qui travaillait quand il le voulait et qui n'était pas malade, n'avait pas grand mérite à écrire un roman passable.
Le grand prix de Rome terminait la série des récompenses accordées à M. Théodore Dubois, qui, pendant les cinq ans qu'il avait passé au Conservatoire, avait été un très bon élève, remportant dès la première année, à dix-huit ans, un premier accessit et des prix à toutes les années suivantes.
De Rome, toujours studieux, il envoya la musique d'une messe et deux ouvertures. En même temps, il prenait part à un concours ouvert au théâtre Lyrique pour la composition d'un opéra en trois actes: La Fiancée d'Abydos.
De retour en France, l'élève passa professeur, cependant qu'il cherchait, inutilement, à se faire jouer. Il avait été porter un devoir, je veux dire un opéra en un acte, au directeur de l'Opéra-Comique, qui l'avait accepté. Durant quatre ans, M. Théodore Dubois attendit qu'on mit son ours à la scène. A la fin, perdant patience, reniant tout son passé de docilité et de discipline, il retira son manuscrit et le porta à l'Athénée qui le représenta peu après, en 1873. La pièce eut un grand succès: elle s'appelait la Guzla de l'émir. Elle est un peu oubliée.



Il faut en dire autant, je crois bien, des autres œuvres lyriques de M. Théodore Dubois, qui sont le Pain bis (Opéra-Comique), la Farandole, ballet (Opéra), Aben-Hamed (Théâtre Italien), Xavière (Opéra-Comique). Il est même à remarquer que tous ces ouvrages, à l'exception peut-être de Xavière, semblent avoir mis une hâte inconsidérée à disparaître de la mémoire des hommes.
Si M. Théodore Dubois n'est pas devenu le grand compositeur dramatique qu'il aurait voulu être, en revanche il s'est assez bien poussé dans la vie. La musique sacrée l'a mieux servi que la musique profane et d'église en église, d'oratoire en messe, il s'est acheminé vers l'Institut, où il a pris le fauteuil de Gounod, et vers le Conservatoire, où il a remplacé comme professeur, Léo Delibes, comme directeur, Ambroise Thomas. Sa gloire sera d'avoir eu de tels prédécesseurs.

                                                                                                                    Jean-Louis.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 22 janvier 1905.

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