lundi 16 février 2015

Beaugency.

Beaugency.
     France.


Beaugency (Balgentiacum et Bugentiacum) est une ancienne ville sur la rive droite de la Loire, à six lieues d'Orléans. Son antiquité est constatée par des médailles d'empereurs romains trouvées dans différents lieux de son enceinte. Jusqu'au XVIe siècle, cette ville joue un rôle important dans les annales de la monarchie; elle a été successivement prise par les Huns en 451, par les Saxons en 480, par les Normands en 854 et trois fois par les Anglais, en 1367, 1411 et 1428. Jeanne d'Arc la reprit en 1429. 
Beaugency avait réparé les pertes causées par ces invasions de Barbares, et les excès de l'étranger; mais les guerres religieuses du XVIe siècle lui portèrent un coup funeste et depuis cette époque elle n'a jamais pu recouvrer sa puissance primitive.
Elle était anciennement défendue par un château fort, qui passait pour être l'ouvrage des Gaulois; plus tard, sur ses ruines, fut construit celui dont on voit encore les restes. 


Ce château relevait en partie de l'église d'Amiens, et en partie du comte de Blois. La première de ces deux mouvances était beaucoup plus ancienne que l'autre, si l'on s'en rapporte aux monuments de l'église d'Amiens, et voici ce qu'ils portent à cet égard: " Au commencement du VIIe siècle, le corps de saint Firmin, apôtre d'Amiens, ayant été découvert par saint Sauve, l'un de ses successeurs, la réputation du premier, presque ensevelie dans l'oubli, s'étendit bientôt au loin et attira de nombreux pèlerins à son tombeau. Le seigneur de Beaugency, attaqué de la lèpre,  fut du nombre des malades qui venaient demander leur guérison aux saintes reliques. L'ayant obtenue, il aurait soumis par reconnaissance une partie de son château et de ses dépendances à l'église d'Amiens, en lui faisant d'autres libéralités. L'évêque et les chanoines jouirent en commun de l'hommage de Beaugency, jusqu'au milieu du IXe siècle; mais dans la suite, il aurait été réservé à l'évêque seul, qui donna en dédommagement d'autres biens à son chapitre."
Ce récit ne repose sur aucun document authentique, n'est corroboré par aucune charte; ce qui est certain, c'est que depuis l'établissement des fiefs, sous la troisième race, les évêques d'Amiens ont joui de l'hommage de Beaugency jusqu'en 1291. Alors, l'évêque, Guillaume de Mâcon, fit à Jeanne, comtesse de Blois, cession de tous les fiefs et arrière-fiefs qu'on nommait Vendômois ou de Saint-Firmin, parmi lesquels se trouvait Beaugency, à la charge d'offrir tous les ans un cierge de cent livres à l'église d'Amiens; "ce qui avait encore lieu avant la révolution, disent les auteurs du Gallia Christiana; de là vient qu'en mémoire du miracle dont il a été parlé, la ville de Beaugency était tenue d'envoyer tous les ans, le 13 janvier, jour de l'Invention de saint Firmin, deux députés à Orléans, chargés d'offrir, par les mains du procureur de la nation picarde, un florin d'or à l'offertoire de la messe solennelle que cette nation faisait célébrer dans l'église de Saint-Pierre-le-Puellier."
Beaugency était autrefois totalement entourée de murs flanqués de tours et de bastions; une partie de cette enceinte est encore debout; une autre partie a été détruite, et a fait place à des promenades. Les fortifications du château s'étendaient alors jusqu'à ce magnifique pont de trente-neuf arches jeté sur la Loire; elles ont été rasées en 1767. Le seul débris de l'ancien château de Beaugency, qui ait traversé les âges, est une tour massive, où le mauvais goût de l'architecture gauloise se révèle en son entier; sa longueur est de 72 pieds, sur 62 de large; elle était autrefois environnée de murailles; sa couverture en plomb fut brûlée dans le XVIe siècle, par suite de l'incendie d'une abbaye voisine. L'élévation de la tour de Beaugency était de 125 pieds; mais en 1767 on a été forcé d'en démolir environ 10 pieds qui menaçaient ruine; deux vedettes ou guérites étaient construites à ses deux angles supérieurs, et il y régnait tout autour un rempart; les murs étaient d'un épaisseur de 8 à 9 pieds. La partie inférieure est séparée du reste du monument par des voûtes en pierre; elle est éclairée par des jours étroits; un puits s'y trouvait creusé. On arrivait aux étages supérieurs par un escalier dont il ne reste plus que quelques degrés, et par une communication établie entre le premier étage et le château. Des arcs à plein cintre reposant sur des colonnes, partagent intérieurement la tour en deux parties presque égales, depuis le premier étage; ces arceaux et ces colonnes superposées soutenaient les planchers. Quatre corps de cheminée avait été pratiqués dans l'épaisseur des murs; ils servaient aux quatre étages supérieurs, et sont plus récents que le reste de la tour; leur forme ne les fait pas remonter au delà de la renaissance. La tour de Beaugency, adossée à un monticule d'environ 30 pieds de hauteur sur 100 pieds de surface, offre encore aujourd'hui une masse imposante, qui fait apercevoir la ville de très-loin. L'hôtel-de-ville de Beaugency est un des édifices les plus remarquables de la cité; sa façade élégante et gracieuse est presque semblable, mais dans des dimensions plus petites, à celle de l'ancien hôtel-de-ville d'Orléans. Cette façade est sculptée avec goût, ornée de bas-reliefs, de portraits et d'une salamandre, emblème du règne de François 1er.
Jusqu'à la fin du XIIIe siècle, Beaugency a eu des seigneurs particuliers; il est difficile de suivre leur chronologie historique; ce n'est qu'après de longues recherches que nous avons pu obtenir un résultat. Ce résultat, le voici.
Lancelin, nommé aussi dans diverses chartes Landri 1er, paraît avoir été le premier seigneur héréditaire de Beaugency; il était selon Bernier, allié à la maison royale de France, et vivait en l'an 1000. L'an 1033, au mois d'août, troisième année du règne de Henri 1er, il fit expédier une charte par laquelle il donnait à l'église de Sainte-Euverte d'Orléans le village de Vesel: villam de Veselo. C'était alors les beaux jours où le clergé recevait force donations. Le baron pillard, qui avait dévasté dans sa jeunesse abbayes et monastères, avait le repentir au cœur sur la fin de sa vie; il se rendait auprès des chanoines du chapitre, et il leur accordait châteaux, gras pâturages, redevances en argent, afin d'obtenir la rémission de ses péchés, et que son corps fut admis sous le portique ou dans l'un des caveaux de l'église abbatiale. C'est ce qui a constitué et maintenu dans le moyen âge l'immense force du clergé; à toutes les époques la force morale a dompté la force matérielle. L'acte de concession fait par Lancelin est signé, d'après la coutume du temps, par trois chevaliers, un clerc et cinq autres témoins. Lancelin vivait encore en 1051; on ne connait pas l'époque précise de sa mort.
Lancelin ou Landi II succéda à son père. L'an 1078, il amena des troupes au roi Philippe 1er pour l'aider à réduire Hugues du Puiset, lequel, fier de la protection de Guillaume le Conquérant, s'était révolté contre son suzerain. Mais il eut le malheur d'être pris par Hugues dans un combat, ainsi que le comte de Nevers, et l'évêque d'Auxerre. On ignore combien dura sa captivité. Voici ce que porte à son sujet le cartulaire de l'abbaye de Vendôme. Lancelin, par sa naissance, était illustre; quant à ses qualités privées, il était très-renommé par son habileté  dans les armes, par son économie et le soin qu'il eut d'agrandir ses domaines, de sorte qu'il passait pour l'un des hommes les plus adroits dans le maniement des affaires. Il acheva une église que la piété de quelques fidèles avait commencée dans le faubourg de son château, la fit dédier par l'évêque d'Orléans, puis il la donna aux moines de Vendôme. Les chanoines de Beaugency s'opposèrent à cette donation, sous prétexte que l'église était dans l'enceinte de leur cimetière. Lancelin termina cette querelle en présence de l'évêque, à Meung, et les chanoines furent obligés de céder. Raoul 1er, sire de Beaugency, après Lancelin II, son père, fut un des plus vaillants chevaliers de son époque. L'an 1090, il guerroya contre le comte de Vendôme, le fit prisonnier, et le contraignit à s'accommoder avec lui, aux conditions qu'il lui imposa. L'an 1096, il fit partie de cette brave noblesse qui suivit Godefroi de Bouillon à la conquête de la Terre-Sainte; il accomplit nombre de prouesses devant Antioche, et surtout au siège de Jérusalem. Depuis son retour, il eut avec Thibaut IV, comte de Blois, de violentes querelles qu'il voulut terminer par un combat singulier; il envoya le cartel de défit par un de ses hommes d'armes. Ives de Chartres, ami de Raoul, lui écrivit à ce sujet une lettre qui l'engagea non-seulement à se désister de ce défi, mais encore à se réconcilier avec son ennemi. La docilité de Raoul en cette circonstance fut d'autant plus louable, que son procédé contre Thibaut avait été approuvé par l'évêque d'Orléans. La réconciliation de Raoul avec le comte de Blois le fit un moment dévier de son devoir. Thibaut ayant formé en 1112 une ligue de plusieurs seigneurs contre le roi Louis le Gros, y entraîna le sire de Beaugency. Suger rapporte que dans la bataille qui se donna entre le monarque et les confédérés, Raoul par sa valeur et son habileté, balança longtemps la victoire, avant qu'elle se déclara pour le roi de France. L'an 1118, Raoul fut envoyé par le roi, avec Amaury de Montfort, vers Foulques le Jeune, comte d'Anjou, pour traiter avec lui de ses prétentions à la charge de grand sénéchal de France. La même année, il rendit hommage à Enguerrand d'Amiens, évêque de cette ville, pour une partie du château de Beaugency. On croit qu'il mourut en 1128.
Simon 1er succéda à Raoul son père; sa vie est dénuée d'intérêt; l'an 1152, il reçut dans son château de Beaugency, Louis le Jeune et la reine Eléonore, sa femme, qui s'y étaient rendus pour faire prononcer la nullité de leur mariage par le concile assemblé dans cette ville. Lancelin III, son frère, recueillit sa succession; de son temps, le pape Alexandre III fut reçu dans Beaugency par les rois de France et d'Angleterre. Jean 1er, fils de Lancelin III, n'est remarquable que par les fréquentes donations qu'il fit aux clercs. En 1192, il rétablit l'école de Beaugency; il fonda des prières dans l'abbaye, avec une lampe perpétuelle, pour le repos de l'âme de ses prédécesseurs, la sienne, et celle de ses enfants; il fit construire une chapelle dans l'église de Beaugency, pour être le lieu de sa sépulture, et y établir un chapelain à perpétuité. Jean II hérita des biens de son père Jean 1er; il fut un des chevaliers bannerets qui servirent avec le plus de zèle Philippe-Auguste; l'an 1215, au mois de juillet, il vendit à ce prince tous les droits qu'il pouvait avoir sur le comté de Vermandois. Simon II lui succéda en 1218; il accompagna le roi saint Louis dans son expédition d'outre-mer. On a de lui une charte donnée à la Toussaint 1241, par laquelle il renonce au droit qu'il avait de prendre une certaine quantité de verjus dans les vignes de ses vassaux. Raoul II fut le dernier sire de Beaugency. Sa vie est obscure. Se voyant sans enfants, il vendit dans le mois de mars 1292, au roi Philippe le Bel, la seigneurie de Beaugency, qui fut donnée plus tard en douaire à Clémence, veuve de Louis le Hutin. Après la mort de cette reine, Beaugency fut réunie définitivement au domaine.

                                                                                                                A. M.

Magasin pittoresque, juillet 1837.

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