vendredi 2 janvier 2015

Ceux dont on parle.

René Bazin.

L'un des deux derniers élus de l'Académie, où il succède à Legouvé; c'était la troisième fois qu'il se présentait. La première fois, il fut battu par M. Paul Deschanel, ce qui était injuste, et la seconde par M. Emile Faguet, ce qui était bien fait. Il n'eut alors que 10 voix; cette fois il en obteint 21, mais il fallut trois jours de scrutin. Ses concurrents étaient MM. Emile Gebhart, Gustave Larroumet et le peintre Jules Breton.
M. René Bazin va avoir cinquante ans, mais il ne les porte pas. Possesseur d'une belle moustache brune, c'est un de ces hommes de petite taille, au corps sec, qui donne peu de prise au temps. 


Il est Angevin, ainsi que son grand-père, et il est professeur de droit à la faculté catholique d'Angers, mais on le voit fréquemment à Paris, où il passe régulièrement trois mois de l'année. Du côté de sa mère, sa grand mère, son aïeule, sa bisaïeule, toutes étaient Parisiennes, en remontant jusqu'au règne de Louis XVI. Peu de nos chics Parisiens en pourraient dire autant, principalement parce qu'ils n'ont pas étudié leur généalogie avec autant de soin que M. René Bazin.
Le père de M. Bazin fut avocat jusqu'à l'âge de trente ans, mais il se fatiguait à parler et dut changer d'état. Il se fit alors commerçant. Souhaitons que pareille mésaventure n'arrive pas à son fils et que nous ne voyions pas un jour ce dernier à la tête d'une fabrique de ficelles, et fournisseur de ses confrères Sardou et Rostand.
Bien qu'il soit peu connu du public, M. René Bazin a écrit plus de vingt ouvrages, romans ou récit de voyages, que les libraires catholiques classent parmi les livres honnêtes, car aucune phrase ne blesse la morale, ni les convenances, ni les préjugés. C'est que M. René Bazin est un homme pieux, qui fait sa prière et qui va à la messe.
Son style est aussi peu révolutionnaire que ses idées. Il faut louer M. René Bazin d'avoir su respecter sa langue maternelle. Quel que soit le nombre des ouvrages qu'il doive écrire encore, il aura laissé la langue française telle qu'il l'a prise.

                                                                                                                     Jean-Louis.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 6 septembre 1903.

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