Algérie.
Bugeaud.
Bugeaud.
Les Itinéraires de l'Algérie donnent le nom de Bugeaud à deux localités. La première est le village ou la cité Bugeaud, au faubourg de Bab-el-Oued, formant une des sections communales d'Alger. La seconde est une des huit communes de l'arrondissement de Bone, dont le chef-lieu est aussi un village Bugeaud, créé en 1847 par ordonnance royale, et situé sur la montagne de l'Edoue ou Edough, à l'entrée d'une forêt de chênes-lièges. Il est habité par quelques centaines de personnes: on y trouve un grand nombre de bûcherons.
La jolie vue que présente notre gravure a été prise auprès d'Alger.
Tout le monde sait que les environs de cette ville sont charmants, et tous les voyageurs, Marmier entre autres, dans ses Lettres sur l'Algérie, en ont donné de belles descriptions.
Tout le monde sait que les environs de cette ville sont charmants, et tous les voyageurs, Marmier entre autres, dans ses Lettres sur l'Algérie, en ont donné de belles descriptions.
"Il est difficile de voir un panorama plus riche et plus varié que celui qui entoure cette ville, dit M. Victor Bérard. Des hauteurs d'El-Biard, village situé à six kilomètres d'Alger, le spectacle est splendide. Dans un espace que l’œil embrasse et qu'on peut parcourir en quelques heures, sont réunis des sites qu'on trouve rarement si rapprochés: aspect grandiose de la mer et des sommets neigeux des montagnes qui, s'étageant à l'horizon, viennent mourir sur des tapis de verdure aux bords du golfe. A Matifou, les ruines d'une cité romaine; non loin, les neuves constructions de nos jeunes villages. A Mustapha-Pacha, les palais champêtres des Mores, avec leurs colonnades et leurs cyprès. Plus près de la cité, les forteresses massives des Turcs, revêtues de leur robe éblouissante de blancheur. Puis les coteaux verdoyants, les jardins, les établissements militaires alignés. Les sentiers de la colline et les routes déployant leurs longs rubans où circulent à la fois les chameaux du désert et les fiacres de la banlieue. Au delà et autour, la plaine immense avec son lointain azuré comme une autre mer."
On ne sera pas étonné de voir le nom de Bugeaud attribué à deux villages en Algérie, et la statue du maréchal érigée sur la place de l'Isly dans la ville d'Alger, car c'est bien lui qui a mis le sceau à la possession définitive de l'Algérie par la France.
Sa vie militaire présente cette rare particularité qu'elle fut coupée en deux actes, séparés par une longue suite d'années où l'uniforme du soldat s'effaça entièrement sous la blouse du laboureur.
La première période, peu connue, mais qui mérite de l'être, s'ouvre en 1804, lorsque Bugeaud s'engage à vingt ans comme grenadier vélite, et conquiert à Austerlitz (2 décembre 1805) ses galons de caporal; elle se ferme onze ans après, dans les Alpes, en 1815, par le glorieux combat que livre, avec 1.700 hommes et 40 chevaux, le colonel Bugeaud contre une division autrichienne composée de 6.000 hommes, 500 chevaux, 6 pièces de canons, et qui est mise en déroute avec perte de 2.000 tués et 960 prisonniers. L'éclat de ce combat, le dernier de la défense du territoire français, dix jours après Waterloo, s'éteignit au milieu des gros événements politiques de l'époque. Le colonel se retira dans son domaine patrimonial, et, s'y donnant corps et âme à l'agriculture, transforma ses terres stériles avec tant de succès, qu'il y gagna, dit un de ses biographes, le complément de gloire refusé à son épée.
L'intervalle de 1804 à 1815 fut bien rempli. Chaque grade y est la récompense d'une action d'éclat ou d'une blessure. Le caporal d'Austerlitz gagne bientôt l'épaulette de sous-lieutenant, puis celle de lieutenant sur le champ de bataille d'Iéna (14 octobre 1806). Blessé grièvement à Pulstuck, il rejoint l'armée, encore mal guéri, prend part à la bataille d'Eylau et à celle de Friedland (14 juin 1807). Après la paix de Tilsitt, il est envoyé en Espagne, où il trouve le terrain le plus propice au développement de ses qualités militaires. Il s'y montra plein d'intelligence et d'audace, mais ne perdant jamais de vue les calculs de la sagesse dans ses actes les plus téméraires. Continuellement cité à l'ordre du jour dans l'armée d'Aragon, il devint surtout célèbre dans les rencontres de guérillas. Les plus aventureux chefs de ces bandes trouvèrent en lui leur maître en intrépidité, en ressources et en coups de main toujours heureux. Il en détruisit un grand nombre, et l'on remplirait des pages rien qu'à signaler ses traits de courage dans les montagnes, en rase campagne, dans les batailles. Le maréchal Suchet consacre dans ses Mémoires la renommée du chef de bataillon Bugeaud, et cite entre autres prouesses la délivrance de la garnison de Rapita, assiégée par des Espagnols et des Anglais en grand nombre, que Bugeaud détruisit avec des forces très-inférieures.
A quoi a-t-il tenu qu'après onze ans de service, malgré le bruit de ses exploits signalés à toute l'armée, Bugeaud n'eût atteint qu'avec grand'peine, en 1814, le grade de lieutenant-colonel? Peut-être à ce genre même d'exploits! Le chef y est de sa personne la pièce principale; il a besoin seulement d'un petit nombre d'auxiliaires qu'il puisse tenir sous la main, sous l’œil, sous la voix, sous l'exemple. Ce ne sont point là les qualités exigées des généraux qui organisent les masses et font manœuvrer les grands nombres sur de vastes étendues de pays.
Par contre, ce furent les qualités toutes spéciales de Bugeaud qui le rendirent éminemment propre à la guerre d'Afrique, où il n'était pas nécessaire d'avoir de grands corps d'armée. Il y devint l'homme nécessaire et y parcourut la seconde période de sa carrière militaire.
Nous le voyons, après vingt et un ans d'entr'acte, âgé de cinquante deux ans, débarquer en juin 1836 auprès d'Oran, avec trois régiments, pour secourir une brigade bloquée à l'embouchure de la Tafna. Il se démena si bien, battit si violemment les Arabes en toute rencontre, désorganisa si complètement les 10.000 cavaliers et les 12.000 fantassins conduits par Abd-el-Kader lui-même, qu'en un mois les ennemis étaient à moitié détruits, le reste en fuite, la brigade française dégagée.
Lieutenant général à la suite de cette brillante expédition, nous le trouvons ensuite gouverneur général, apportant en Afrique son énergie ornée de ses qualités spéciales: d'un côté combattant les tribus arabes sans relâche, ne leur laissant pas un instant de repos, et les domptant par ce système de guerre emprunté à ses souvenirs de guérillas; d'un autre côté favorisant de toutes ses forces la colonisation agricole, pour laquelle il était aussi ardent et aussi expérimenté que pour la guerre; couronnant enfin sa carrière par la bataille de l'Isly, où, avec 8 à 9 milliers d'hommes et 1.000 cavaliers, il se précipita sur une armée de 40.000 Marocains, les culbuta dans tous les sens en leur infligeant de grandes pertes, et y gagna le grade de maréchal de France avec le titre de duc.
En Afrique, comme autrefois en Espagne, Bugeaud triomphait avec des moyens exigus. Les résultats de la dernière bataille n'en furent pas moins immenses. La conquête parut scellée, et l'Algérie, dès ce moment, fut considérée par l'Europe comme une terre à jamais française.
Magasin pittoresque, 1877.
L'intervalle de 1804 à 1815 fut bien rempli. Chaque grade y est la récompense d'une action d'éclat ou d'une blessure. Le caporal d'Austerlitz gagne bientôt l'épaulette de sous-lieutenant, puis celle de lieutenant sur le champ de bataille d'Iéna (14 octobre 1806). Blessé grièvement à Pulstuck, il rejoint l'armée, encore mal guéri, prend part à la bataille d'Eylau et à celle de Friedland (14 juin 1807). Après la paix de Tilsitt, il est envoyé en Espagne, où il trouve le terrain le plus propice au développement de ses qualités militaires. Il s'y montra plein d'intelligence et d'audace, mais ne perdant jamais de vue les calculs de la sagesse dans ses actes les plus téméraires. Continuellement cité à l'ordre du jour dans l'armée d'Aragon, il devint surtout célèbre dans les rencontres de guérillas. Les plus aventureux chefs de ces bandes trouvèrent en lui leur maître en intrépidité, en ressources et en coups de main toujours heureux. Il en détruisit un grand nombre, et l'on remplirait des pages rien qu'à signaler ses traits de courage dans les montagnes, en rase campagne, dans les batailles. Le maréchal Suchet consacre dans ses Mémoires la renommée du chef de bataillon Bugeaud, et cite entre autres prouesses la délivrance de la garnison de Rapita, assiégée par des Espagnols et des Anglais en grand nombre, que Bugeaud détruisit avec des forces très-inférieures.
A quoi a-t-il tenu qu'après onze ans de service, malgré le bruit de ses exploits signalés à toute l'armée, Bugeaud n'eût atteint qu'avec grand'peine, en 1814, le grade de lieutenant-colonel? Peut-être à ce genre même d'exploits! Le chef y est de sa personne la pièce principale; il a besoin seulement d'un petit nombre d'auxiliaires qu'il puisse tenir sous la main, sous l’œil, sous la voix, sous l'exemple. Ce ne sont point là les qualités exigées des généraux qui organisent les masses et font manœuvrer les grands nombres sur de vastes étendues de pays.
Par contre, ce furent les qualités toutes spéciales de Bugeaud qui le rendirent éminemment propre à la guerre d'Afrique, où il n'était pas nécessaire d'avoir de grands corps d'armée. Il y devint l'homme nécessaire et y parcourut la seconde période de sa carrière militaire.
Nous le voyons, après vingt et un ans d'entr'acte, âgé de cinquante deux ans, débarquer en juin 1836 auprès d'Oran, avec trois régiments, pour secourir une brigade bloquée à l'embouchure de la Tafna. Il se démena si bien, battit si violemment les Arabes en toute rencontre, désorganisa si complètement les 10.000 cavaliers et les 12.000 fantassins conduits par Abd-el-Kader lui-même, qu'en un mois les ennemis étaient à moitié détruits, le reste en fuite, la brigade française dégagée.
Lieutenant général à la suite de cette brillante expédition, nous le trouvons ensuite gouverneur général, apportant en Afrique son énergie ornée de ses qualités spéciales: d'un côté combattant les tribus arabes sans relâche, ne leur laissant pas un instant de repos, et les domptant par ce système de guerre emprunté à ses souvenirs de guérillas; d'un autre côté favorisant de toutes ses forces la colonisation agricole, pour laquelle il était aussi ardent et aussi expérimenté que pour la guerre; couronnant enfin sa carrière par la bataille de l'Isly, où, avec 8 à 9 milliers d'hommes et 1.000 cavaliers, il se précipita sur une armée de 40.000 Marocains, les culbuta dans tous les sens en leur infligeant de grandes pertes, et y gagna le grade de maréchal de France avec le titre de duc.
En Afrique, comme autrefois en Espagne, Bugeaud triomphait avec des moyens exigus. Les résultats de la dernière bataille n'en furent pas moins immenses. La conquête parut scellée, et l'Algérie, dès ce moment, fut considérée par l'Europe comme une terre à jamais française.
Magasin pittoresque, 1877.
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