samedi 8 novembre 2014

Une boutique de chaudronnier.

Un boutique de chaudronnier
                                    au Caire.



Au Caire, les métiers sont encore répartis par souks ou quartiers spéciaux, affectés aux différentes branches du commerce ou d'industrie. Tels sont les souks des armuriers, des selliers, des bijoutiers, des drapiers, des confiseurs, etc. , dont chacun a sa physionomie individuelle.
Le Souk-en-Nahasyn, le quartier des chaudronniers, est un des plus intéressants. Le marchand, accroupi sur son mastabah ou estrade, est entouré de montagnes de cuivreries; ses bassins, ses aiguières, ses cafetières, ses lanternes ou fanoust, aux nobles et vastes formes, pavoisent son échoppe, pendent de tous les côtés, s'entre-choquent avec un joyeux bruit de carillon, et resplendissent comme l'or aux feux du soleil égyptien. Pour parler le langage du Coran, c'est "lumière sur lumière!".


La chaudronnerie, la gravure d'ornement sur cuivre ont toujours compté parmi les arts les plus parfaits de l'Orient. Aujourd'hui encore, c'est avec une promptitude et une habilité merveilleuses que cinq à six ouvriers se mettent à forger une de ces grandes pièces de cuivre qui rayonnent à la devanture de la boutique: chacun accompagne son travail d'un cri doux et cadencé qui répond aux autres; bientôt le rythme s'accélère, il entraîne et coordonne si bien les mouvements, qu'au bout d'un instant le choc des marteaux ne forme plus qu'un roulement continu, qui sert de basse au murmure des voix.
Il en est de même de toutes parts: qu'une cange en navigant sur le Nil vienne à engraver sa quille dans le lit du fleuve et cherche à reprendre sa course, qu'une sakkieh élève ou abaisse son antenne pour puiser de l'eau, qu'une pierre d'un temple antique dérobée à la surveillance de Mariette-Bey s'achemine en cachette vers une sucrerie en construction, toujours on entendra ces vieilles mélopées qui ont bercé à leur naissance tous les monuments et les métropoles de l'ancienne Egypte, et leur survient encore!
Quelque maître de maison a-t-il demandé les services de l'orfèvre ou du chaudronnier et de ses aides? En un instant la forge et tout son matériel, chargés sur un chameau ou sur un âne, viennent s'installer et se monter dans la cour de l'habitation; et là, chacun rapièce, fond ou forge jusqu'à extinction des besoins du ménage. N'y a-t-il pas dans ces usages primitifs un vivant témoignage des temps reculés qui ont légué aux archéologues de tous les pays les produits d'ateliers nomades de forge ou de fonte de bronze? Trésors plus estimables que l'or et l'argent, qui, en sortant de la terre où ils gisaient depuis des milliers d'années, nous on fait connaître ce qu'étaient l'armurerie, l'outillage et le mobilier domestique d'époques si lointaines qu'aucune mémoire humaine n'avait pu en garder le souvenir.

Le magasin pittoresque, décembre 1876.

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