samedi 29 novembre 2014

L'hygiène à Berlin.

L'hygiène à Berlin.


Un genre d'internationalisme que tous les Gouvernements civilisés devraient encourager, et même pratiquer, est celui qui consisterait à s'emprunter entre nations toutes innovations d'un caractère réellement pratique. Cet échange existe en principe, mais en principe seulement.
Un rapide voyage à travers les capitales européennes nous permettrait de constater qu'elles pourraient, et auraient dû depuis longtemps, se prêter et s'emprunter entre elles beaucoup de ces innovations matérielles qui ajoutent à la joie de vivre. Si vulgaire et inélégant que soit son rôle, on peut faire entrer dans cette catégorie le tombereau à ordures que la municipalité de Berlin a mis depuis quelque temps à l'essai. Deux de ses avantages devraient suffire à lui faire valoir l'attention des édiles de nos grandes villes françaises: il réduit à un minimum l'envolée des poussières pendant la manipulation des résidus ménagers dans l'enceinte de la cité, et supprime complètement les atroces odeurs, qui, surtout à l'époque des grandes chaleurs, sont véhiculées à travers la ville par nos primitives charrettes.
Un autre avantage qui n'est pas à dédaigner, bien qu'il soit d'ordre plus esthétique que pratique, est celui-ci: la vue des passants n'est plus offusquée par l'indescriptible mélange de débris de toute nature que les "boueux" exhibent dans nos plus beaux quartiers, qu'ils triturent même sur les têtes des foules matinales.
Décrivant sommairement le tombereau berlinois, nous prierons nos lecteurs de remarquer tout d'abord, sur la photographie reproduite sur cette page, l'organe qui lui donne un aspect très particulier. 


C'est une sorte de cheminée qui, s'élevant de l'arrière du fourgon, s'allonge sur sa toiture et constitue la seule voie de communication entre l'air extérieur et l'intérieur du tombereau.
Voilà comment manœuvre le système. Les deux hommes attachés à chaque tombereau vont chercher dans la cour de la maison la "poubelle" réglementaire, dont les dimensions, naturellement, sont immuables. Ils la déposent sur une sorte de plate-forme disposée à l'arrière et qui, actionnée par un levier, l'élève jusqu'à l'orifice de la cheminée.
Un des hommes s'est porté à l'avant, sur la droite, où est disposée une manivelle qui met en action deux chaînes roulants sur des moufles puissants. Ces chaînes attirent la boite dans l'intérieur du large conduit jusqu'au-dessus d'une trappe où elle déverse automatiquement son contenu. Un levier est mis en jeu par l'homme placé à l'avant, et la boite rebroussant chemin, revient à l'orifice de la cheminée. l'autre homme la saisit, la repose sur la plateforme et, aidé de son camarade, la rapporte dans la cour de la maison.
L'opération du vidage proprement dit, c'est à dire le voyage "aller et retour" de la poubelle dans l'intérieur de la cheminée, prend 45 secondes; en y ajoutant le temps qu'il faut aux deux hommes pour élever la plateforme jusqu'à l'orifice du conduit, on constate qu'une minute est largement suffisante pour l'opération entière.
Comme toutes les boites se vident par la même trappe, il en résulte que les détritus forment bientôt un monceau qu'il est nécessaire d'aplanir. Les hommes obtiennent cela en faisant agir de l'extérieur une manivelle qui répartit les ordures de façon satisfaisante. Au besoin, l'un d'eux se glisse par la cheminée dans l'intérieur du tombereau, et à l'aide d'une pelle, procède plus rapidement et plus sûrement au nivellement.
Ce système, mis à l'essai depuis plusieurs mois, comme nous l'avons dit plus haut, paraît réaliser un important progrès dans cette branche de la voirie qui s'occupe de l'enlèvement des ordures ménagères, et il est probable que la municipalité berlinoise l'adoptera à titre définitif.

La Nature, deuxième semestre 1907.

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