lundi 10 novembre 2014

Les rafraîchissements.

Les rafraîchissements.
   dans les bals de louis XIV.


On pourrait croire que l'époque du grand roi, si resplendissante de luxe et de magnificence pour tout ce qui s'adressait aux yeux, ne l'était pas moins dans tout ce qui s'adressait au palais, et qu'elle s'étudiait autant à flatter le sens du goût que celui de la vue. Il n'en fut rien.Tous les livres qui traitent plus ou moins directement des mets servis sur les tables les plus riches de ce temps nous montrent qu'il pouvait y avoir souvent profusion, mais très-rarement délicatesse; force viandes, mais peu d'entremets, surtout de ces entremets qui attiennent par quelque côté au domaine de la pâtisserie et de la confiserie.
La pâtisserie de ce temps était généralement lourde, nous pourrions même dire grossière: un bourgeois de nos jours, qui rassemble chez lui quelques amis et donne soirée, garnit son buffet de friandises peu coûteuses, bien supérieures à celles, d'un haut prix, dont étaient surchargés les buffets royaux dans les bals et soirées de la cour.
Les boissons elles-mêmes, quoique plus perfectionnées que les objets de four, se ressentaient pourtant encore du peu de développement qu'avait acquis à cette époque l'art de la confiserie. Ainsi, dans le salon des Buffets, l'une des deux pièces particulière du château de Versailles que Louis XIV avait affectées aux collations qu'il donnait à certains jours de divertissements, nous trouvons, un soir de bal, rangés et étagés dans des bassins et des cuvettes d'or, d'argent et de vermeil, l'hypocras et l'hydromel, deux liqueurs à peu près vieilles comme le monde et d'un mérite douteux, à telles enseignes qu'on en a fait assez peu de cas depuis pour les laisser tomber en désuétude. Nous y trouvons encore le ponge ou boule-ponge, qui était, formule pour formule, ce qu'est notre grog: de l'eau chaude, du sucre, de l'eau-de-vie et du citron. Puis des eaux de toute espèce: eau d'anis, eau clairette (cerises à l'eau-de-vie) , eau des Barbades (c'était une eau qui avait reçu son nom de l'île où elle avait été inventée; elle se vendait un louis d'or la bouteille plate qui contenait environ trois demi-setiers) , eau de fenouil ou fenouillette, eau de genièvre, de groseille, de mille fleurs, etc., etc. Puis le sirop de vinaigre et celui d'abricots, lequel, battu dans l'eau, dit Merlet (Abrégé des bons fruits) , était fort rafraîchissant. Puis encore le rossolis et le populo, deux liqueurs qui ne sont pas arrivées jusqu'à nous. Comme Louis XIV aimait beaucoup la première de ces liqueurs, on en avait composé une espèce à laquelle avait été donné le nom de rossolis du roi. N'oublions pas non plus l'orgeat, les limonades, les sorbets, et surtout l'aigre de cèdre, dont il se faisait alors grande consommation. L'aigre de cèdre n'était rien plus que du jus de citron que l'on servait avec l'écorce confite du même fruit.
Les glaces et le café, importations nouvelles, ne devaient pas être oubliés sur les riches buffets de la cour; cependant les auteurs du temps en parlent peu.
On voit que les boissons chaudes et froides étaient en assez grande quantité et ne laissaient pas beaucoup à désirer; mais pour les pâtisseries, c'était tout autre chose. 


Elles avaient presque toutes le fromage pour base: ainsi des gâteaux mollets, faits avec du fromage mou; des gâteaux d’Étampes, ou fraisés, faits encore avec du fromage et de la crème de lait sans aucune goutte d'eau; des gâteaux de Milan, dans lesquels entrait encore du lait; des gâteaux vérolez, de même pâte que les gâteaux de Milan, mais qu'on étendait un peu plate et qu'on coupait en petits ronds, couverts  de légers morceaux de fromage fin et de beurre. Puis il y avait encore les tartes au fromage (mais ces tartes ne servaient qu'aux collations) , les talemouses, encore au fromage, et les ratons, ronds de pâte recouvert de farce de fromage. Le fromage entrait dans tout, dans les gaufres même; car, s'il en était au sucre, il y en avait aussi qui se fabriquaient avec de petits morceaux d'une sorte de pâte feuilletée, dans lesquels on enfermait de faibles tranches de fromage fin.
Cependant, cette omnipotence du fromage ne s'étendait pas absolument sur toutes les œuvres de four; c'eût été par trop tyrannique. Elle en laissait bien quelques-unes en dehors d'elle; tels le biscuit de roi, le biscuit de Savoie, inventé au commencement du dix-septième siècle, et le biscuit de Piémont; tels encore les macarons, les massepains, et les échaudés seulement au sel et à l'eau.

Le magasin pittoresque, mars 1851.

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