Orléans.
Orléans est situé dans un pays agreste, sur la rive droite de la Loire. Elle est environnée de nombreuses maisons de campagne, et précédée de grands et beaux faubourgs, qui annoncent une riche cité. Les promenades qui l'entourent sont délicieuses, et contribuent à en rendre le séjour fort agréable.
Cette ville offre plusieurs quartiers où l'on remarque des maisons construites avec élégance, des rues larges et bien percées, et de vastes places publiques: la rue Royale, qui conduit en droite ligne de la place du Martroy au pont de la Loire, est la plus belle d'Orléans; mais il est fâcheux que les quartiers construits à droite et à gauche de cette rue soient si mal bâtis.
Orléans renferme un assez grand nombre d'édifices publics d'une architecture remarquable: le Palais de Justice, entre autres, est un beau bâtiment moderne; sa façade, composées de quatre colonnes doriques, et surmontée d'un fronton, forme un péristyle exhaussé de huit ou dix marches, et décoré de deux figures de sphinx. Ce bâtiment qui date de 1825, fait honneur à M. Pajot, architecte de la ville. parmi les constructions gothiques, nous citerons les églises, et surtout la cathédrale, connue sous le nom de Sainte-Croix; c'est l'une des plus belles de France. Les premiers fondemens en furent jetés par l'évêque saint Euverte; brûlée, ainsi que la ville, par les Normands, en 865, la piété des rois de France la releva de ses ruines. Elle fut encore détruite en 999, et rebâtie par l'évêque Arnoult. Les calvinistes la ruinèrent de nouveau en 1567; il n'en resta que quelques chapelles et six piliers de la nef.
Henri IV assigna, en 1599, les fonds nécessaires à sa réédification. Depuis cette époque, les travaux ont été, à divers intervalles, suspendus et repris; il appartenait à notre époque d'achever ce superbe édifice, destiné à faire l'admiration des siècles. Les vieilles tours subsistaient encore en 1726; elles furent démolies pour faire place aux nouvelles et au beau portail qu'on voit aujourd'hui.
Le plan de l'église Sainte-croix est d'un ensemble harmonieux; malgré toutes les vicissitudes qui ont entravé sa construction, il n'offre aucun disparate. Quant au style des ornemens d'architecture gothique qui décorent les diverses parties du monument, il est riche, fleuri et élégant; il n'y a rien de plus délicat et de plus gracieux que les sculptures du portail et des tours, terminées par une espèce de couronnement de l'effet le plus pittoresque. On admire aussi les portails latéraux, l'audace irrégulière et gigantesque des voûtes, et l'aspect mélancolique de l'intérieur. Le chevet est orné d'une chapelle de la Vierge, dont les lambris, le retable et le pavé sont de marbres blanc et noir.
L'église d'Orléans a été illustrée par plusieurs prélats et saints personnage de haute réputation: Eusèbe, Anselme, Théodoric, Arnoult et autres, ne furent pas moins recommandables par leur science que par leur vertus. Un grand nombre de conciles, où furent agités les points les plus importans de la discipline ecclésiastique et séculière, ont été tenus dans cette église, et l'ont également rendue célèbre. Enfin, c'est aussi dans cette cathédrale qu'eurent lieu les cérémonies du sacre des rois Charles-le-Chauve, Eudes, Robert, Louis-le-Gros, Louis-le-Débonnaire et Louis-le-Jeune, qui y célébra en même temps ses noces avec la princesse Constance.
Orléans offre encore d'autre monumens dignes de la curiosité des artistes; nous voulons parler de l'hôtel des Créneaux, bâti sous le règne de Louis XIII, et de plusieurs maisons charmantes de l'époque de la renaissance.
Mais c'est surtout sous le rapport historique qu'Orléans mérite d'être mis au rang des villes les plus intéressantes. Son origine se perd dans la nuit des siècles. Il est vraisemblable que cette antique cité doit sa fondation aux Carnutes ou Chartrains, sous la domination desquels elle était lorsque César fit la conquêtes des Gaules. Plusieurs historiens prétendent qu'elle fut bâtie sur les ruines de l'ancienne Genabum, prise et brûlée par César; mais il paraît prouvé aujourd'hui que c'est Gien qui occupa l'emplacement de Genabum. Elle prit un accroissement considérable, vers 272, sous le règne d'Aurélien, à qui elle doit le nom d'Aurelianum, dont on a fait Orliens, et ensuite Orléans.
En 451, Attila, à la tête d'une armée de cinq cent mille hommes, entre dans les Gaules, dans l'espoir de les conquérir facilement. Après avoir brûlé Cologne, Trèves, Reims, Cambray, Besançon, Langres et Auxerre, il arrive le 24 juin devant Orléans. Il comptait s'en emparer pour en faire sa place d'armes, et aller ensuite attaquer les provinces situées au delà de la Loire. La ville était mal fortifiée et paraissait incapable de résister à ses armes victorieuses. Néanmoins, les habitans, encouragé par saint Agnan, leur évêque, se défendirent vaillamment pendant quelques jours. Au bout de ce tems les vivres commençaient à manquer; les murailles s'écroulaient sous l'effort des machines; la brèche se trouvait praticable pour un assaut général; quelques officiers principaux avaient même pénétré dans la place, et ils étaient en pourparler avec les habitans pour prendre des otages et convenir d'une capitulation, lorsque Aétius, général romain, arriva au secours des assiégés, à la tête d'une armée nombreuse. Attila ne connaissant pas la force des ennemis, et craignant de perdre une bataille ou d'être forcé dans son camp, prit le parti de la retraite. Mais aussitôt qu'Aétius s'aperçut qu'il levait le camp, il attaqua vigoureusement son arrière-garde, et en fit un grand carnage. Attila perdit 160.000 hommes: la perte des Romains n'en fut pas moins considérable, mais ils restèrent maîtres du champ de bataille. La nuit couvrit la retraite des Huns.
Vers l'an 570, Odoacre, duc des Saxons, après avoir remonté la Loire, vint mettre le siège devant Orléans. Les habitans appelèrent à leur secours Chilpéric, roi des Francs, qui battit Odoacre sous les murs même de la ville, le poursuivit jusqu'à Angers, s'empara de cette cité ainsi que d'Orléans et de tous les lieux riverains de la Loire, et les réunit à son empire. Ce fait prouve qu'il est quelquefois dangereux d'appeler à son secours un allié puissant.
En 1428, les Anglais, possesseurs de la Normandie, de la Picardie, de la Champagne, de l'Anjou et de la Touraine, attaquèrent à leur tour Orléans: le duc de Bedford s'étant fait déclarer, à Paris, régent de France pour Henri VI, encore au berceau. Charles VII était brave mais faible et voluptueux: il oubliait dans les plaisirs le soin de sa gloire et le salut du royaume. Tout était désespéré: Orléans, pressé par le comte de Salisbury, était sur le point de se rendre, lorsqu'une jeune bergère, animée par l'exaltation religieuse, se crut destinée par le ciel à délivrer la France de ses ennemis. Couverte d'une armure, et la bannière à la main, elle marche à la tête de l'armée: généraux et soldats, tous partagent son enthousiasme, tous imitent ses prodiges de valeur, et après un siège de dix mois, les Anglais sont forcés de se retirer. Plus tard la fortune abandonna l'héroïne: blessée et prise par les Anglais, qui exercèrent contre elle une honteuse vengeance, elle fut condamnée comme sorcière par l'infâmes juges, et brûlée vive à Rouen.
Une statue, élevée sur la place du Martroy, consacre à la fois le souvenir des exploits de la vierge de Domrémy, et la reconnaissance des Orléanais.
Sous le règne de Charles IX, Orléans fut ensanglanté par les massacres de la St-Barthélemy. Tous les calvinistes furent impitoyablement égorgés: on n'épargna ni les femmes ni les enfans. Ce forfait exécrable est rappelé par une espèce de tercet, que les sicaires seuls peuvent avoir composé:
A Orléans, le jour de la Saint-Barthélemy,
Y avait plus de huguenots morts que vifs:
Plus de huit cents à mort y furent mis.
Tels sont les évènemens les plus saillans de l'histoire de cette belle cité, qui donna le jour à un grand nombre d'hommes célèbres, tels que Amelot de la Houssaye, savant commentateur; Daniel, avocat, littérateur et bibliographe: Etienne Dolet, imprimeur, poëte et grammairien, brûlé à Paris comme athée, en 1546; et l'illustre jurisconsulte Pothier, dont les cendres reposent dans la cathédrale.
Orléans présente un aspect admirable, vu de la rive gauche de la Loire, qui, dans cet endroit, est très large et dont le lit n'est embarrassé par aucune île. Le pont sur lequel on traverse le fleuve, est magnifique par ses proportions: il a 664 pieds de long, et se compose de 9 arches, dont la principale a 100 pieds d'ouverture. Sur l'ancien pont on voyait autrefois un monument de bronze, élevé en l'honneur de Jeanne d'Arc: elle y était représentée au pied de la croix, tenant sur ses genoux le corps du Christ; à droite et à gauche étaient les statues de Charles VII et de la Pucelle, revêtue de son armure. Ce monument, mutilé pendant les guerres civiles et religieuses, fut enlevé en 1743 de dessus le pont, restauré avec soin et placé en 1771 à l'angle des rues Royale et de la Vieille-Poterie; mais il a été complètement détruit en 1793.
Le Magasin Universel, 1834-1835.
Orléans offre encore d'autre monumens dignes de la curiosité des artistes; nous voulons parler de l'hôtel des Créneaux, bâti sous le règne de Louis XIII, et de plusieurs maisons charmantes de l'époque de la renaissance.
Mais c'est surtout sous le rapport historique qu'Orléans mérite d'être mis au rang des villes les plus intéressantes. Son origine se perd dans la nuit des siècles. Il est vraisemblable que cette antique cité doit sa fondation aux Carnutes ou Chartrains, sous la domination desquels elle était lorsque César fit la conquêtes des Gaules. Plusieurs historiens prétendent qu'elle fut bâtie sur les ruines de l'ancienne Genabum, prise et brûlée par César; mais il paraît prouvé aujourd'hui que c'est Gien qui occupa l'emplacement de Genabum. Elle prit un accroissement considérable, vers 272, sous le règne d'Aurélien, à qui elle doit le nom d'Aurelianum, dont on a fait Orliens, et ensuite Orléans.
En 451, Attila, à la tête d'une armée de cinq cent mille hommes, entre dans les Gaules, dans l'espoir de les conquérir facilement. Après avoir brûlé Cologne, Trèves, Reims, Cambray, Besançon, Langres et Auxerre, il arrive le 24 juin devant Orléans. Il comptait s'en emparer pour en faire sa place d'armes, et aller ensuite attaquer les provinces situées au delà de la Loire. La ville était mal fortifiée et paraissait incapable de résister à ses armes victorieuses. Néanmoins, les habitans, encouragé par saint Agnan, leur évêque, se défendirent vaillamment pendant quelques jours. Au bout de ce tems les vivres commençaient à manquer; les murailles s'écroulaient sous l'effort des machines; la brèche se trouvait praticable pour un assaut général; quelques officiers principaux avaient même pénétré dans la place, et ils étaient en pourparler avec les habitans pour prendre des otages et convenir d'une capitulation, lorsque Aétius, général romain, arriva au secours des assiégés, à la tête d'une armée nombreuse. Attila ne connaissant pas la force des ennemis, et craignant de perdre une bataille ou d'être forcé dans son camp, prit le parti de la retraite. Mais aussitôt qu'Aétius s'aperçut qu'il levait le camp, il attaqua vigoureusement son arrière-garde, et en fit un grand carnage. Attila perdit 160.000 hommes: la perte des Romains n'en fut pas moins considérable, mais ils restèrent maîtres du champ de bataille. La nuit couvrit la retraite des Huns.
Vers l'an 570, Odoacre, duc des Saxons, après avoir remonté la Loire, vint mettre le siège devant Orléans. Les habitans appelèrent à leur secours Chilpéric, roi des Francs, qui battit Odoacre sous les murs même de la ville, le poursuivit jusqu'à Angers, s'empara de cette cité ainsi que d'Orléans et de tous les lieux riverains de la Loire, et les réunit à son empire. Ce fait prouve qu'il est quelquefois dangereux d'appeler à son secours un allié puissant.
En 1428, les Anglais, possesseurs de la Normandie, de la Picardie, de la Champagne, de l'Anjou et de la Touraine, attaquèrent à leur tour Orléans: le duc de Bedford s'étant fait déclarer, à Paris, régent de France pour Henri VI, encore au berceau. Charles VII était brave mais faible et voluptueux: il oubliait dans les plaisirs le soin de sa gloire et le salut du royaume. Tout était désespéré: Orléans, pressé par le comte de Salisbury, était sur le point de se rendre, lorsqu'une jeune bergère, animée par l'exaltation religieuse, se crut destinée par le ciel à délivrer la France de ses ennemis. Couverte d'une armure, et la bannière à la main, elle marche à la tête de l'armée: généraux et soldats, tous partagent son enthousiasme, tous imitent ses prodiges de valeur, et après un siège de dix mois, les Anglais sont forcés de se retirer. Plus tard la fortune abandonna l'héroïne: blessée et prise par les Anglais, qui exercèrent contre elle une honteuse vengeance, elle fut condamnée comme sorcière par l'infâmes juges, et brûlée vive à Rouen.
Une statue, élevée sur la place du Martroy, consacre à la fois le souvenir des exploits de la vierge de Domrémy, et la reconnaissance des Orléanais.
Sous le règne de Charles IX, Orléans fut ensanglanté par les massacres de la St-Barthélemy. Tous les calvinistes furent impitoyablement égorgés: on n'épargna ni les femmes ni les enfans. Ce forfait exécrable est rappelé par une espèce de tercet, que les sicaires seuls peuvent avoir composé:
A Orléans, le jour de la Saint-Barthélemy,
Y avait plus de huguenots morts que vifs:
Plus de huit cents à mort y furent mis.
Tels sont les évènemens les plus saillans de l'histoire de cette belle cité, qui donna le jour à un grand nombre d'hommes célèbres, tels que Amelot de la Houssaye, savant commentateur; Daniel, avocat, littérateur et bibliographe: Etienne Dolet, imprimeur, poëte et grammairien, brûlé à Paris comme athée, en 1546; et l'illustre jurisconsulte Pothier, dont les cendres reposent dans la cathédrale.
Orléans présente un aspect admirable, vu de la rive gauche de la Loire, qui, dans cet endroit, est très large et dont le lit n'est embarrassé par aucune île. Le pont sur lequel on traverse le fleuve, est magnifique par ses proportions: il a 664 pieds de long, et se compose de 9 arches, dont la principale a 100 pieds d'ouverture. Sur l'ancien pont on voyait autrefois un monument de bronze, élevé en l'honneur de Jeanne d'Arc: elle y était représentée au pied de la croix, tenant sur ses genoux le corps du Christ; à droite et à gauche étaient les statues de Charles VII et de la Pucelle, revêtue de son armure. Ce monument, mutilé pendant les guerres civiles et religieuses, fut enlevé en 1743 de dessus le pont, restauré avec soin et placé en 1771 à l'angle des rues Royale et de la Vieille-Poterie; mais il a été complètement détruit en 1793.
Le Magasin Universel, 1834-1835.
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