mercredi 20 août 2014

Les reîtres.


Les reîtres.

Elles remontent haut dans l'histoire militaire de la France, ces bandes de mercenaires étrangers que les rois ainsi que les grands vassaux de la couronne prenaient à leur solde quand les levées arbitraires sur la population de leur domaine ne suffisaient pas aux besoins d'une campagne.
Après les meurtriers incendiaires nommés les routiers, puis concurremment avec ceux-ci, on compta, du douzième au quatorzième siècle, les cottereaux ou coustilliers, fantassins armés d'une lame de fer solidement emmanchée appelée couterel ou coustil; puis vinrent les brabançons, les ribauds et les tard-venus, troupes de pillards confondues sous le nom collectif de Grandes Compagnies, lesquelles furent, on le sait, plus dangereuses en temps de paix qu'utiles en temps de guerre pour les pays qu'elle étaient chargées de défendre. Il ne fallut pas moins que la politique de Charles V et l'énergie de Duguesclin pour en délivrer le royaume qu'elles dévastaient. Trop soupçonneux pour confier à ses propres sujets la garde de sa personne, Louis XI soudoya des Écossais et des Suisses qui, soumis à une discipline sévère, furent des auxiliaires fidèles.
Depuis, l'Espagne et l'Italie avaient introduit dans leurs armées de terribles chevaucheurs allemands originaire de la Saxe, du Brunswick et des Deux-Ponts, quand nos guerres de religion les attirent en France. Sans préférence quant à la question de drapeau ou de croyance, on vit les reîtres servir tour à tour et quelquefois simultanément les partisans du catholicisme et ceux de l'Eglise réformée.
Les reîtres, exactement, les cavaliers, formaient un corps de cavalerie légère, divisé en cornettes (escadrons) d'au moins cinq cents chevaux et de mille au plus. On les nommait vulgairement pistoliers ou diables empistolés, du nom de l'arme à feu qu'il importèrent en France, et dont ils nous enseignèrent l'usage. 



Au lieu de cuirasse d'acier, ils portaient, pour amortir le choc des balles, d'épais pourpoints de buffle, et pour se garantir du mauvais temps, ils se couvraient d'une lourde capote à laquelle on donna aussi le nom de reître.
Ces mercenaires, qui disparurent complètement au dix septième siècle, participèrent à toutes les sanglantes querelles du siècle précédent. En 1587, ils étaient commandés par Fabien, comte de Dohna, fils du burgrave Stanislas de Dohna. Celui-ci, qui tenait pour Henri III contre les ligueurs, investit le château d'Auneau, situé près de Chartres, où le duc de Guise Henri le Balafré avait établi son quartier général. Ce château d'Auneau, dont une tour restée debout domine encore la campagne environnante, pourrait être surnommé le tombeau des reîtres. Voici ce que le général Bardin a écrit touchant la meurtrière journée du 11 novembre 1587: "Un affreux massacre de reîtres a laissé des souvenirs encore subsistants dans le château d'Auneau. Les fossés de ce manoir ont été comblés par les pots (casques), les cabassets, les armures des morts. Pendant deux siècles, les forgerons du pays s'y sont approvisionnés en métal que demandait la ferrure des chevaux et la fabrication des instruments de labourage."

Magasin Pittoresque, 1875.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire