mardi 29 juillet 2014

Sainte-Geneviève des Bois.

Sainte-Geneviève des Bois.

Sainte-Geneviève des Bois est un village qui compte trois cent habitants, situé à six lieues de Paris vers le midi, à une lieue de Montlhéry et à deux de Corbeil. Il est placé sur une hauteur au bas de laquelle coule la rivière d'Orge; au levant s'étend le forêt de Seguigny, dont le nom fut probablement d'abord celui de tout le canton. Voici  les renseignements que l'abbé Lebeuf avait recueillis au siècle dernier sur ses origines et qu'il donne dans son savant ouvrage (Diocèse de Paris, t.XII).
"Ce n'est pas par une simple chapelle, dit-il, que cette paroisse a commencé. Cette chapelle existait au moins dès le dixième siècle. elle se trouvait dans un mesnil ou hameau qui était nommé alors d'un nom corrompu Sicnii Villare, pour Seguini Villare, et voisin d'un autre mesnil appelé Murcinctus, abondant en prairies, sur la rivière d'Orge (c'est aujourd'hui Morsans ou Morcent-sur-Orge) ce que nous savons de plus ancien touchant Sainte-Geneviève des Bois, est que Hugues Capet donnant aux moines de Saint-Magloire le hameau de Seguin ou Sicuin, qu'on a depuis appelé Seguigny ou Sequigny, y ajouta la chapelle qui avait été construite en l'honneur de Sainte Geneviève. Mais quel rapport peut-il y avoir entre le culte de sainte Geneviève et cette terre nommés Seguin? (1) Il n'a fallu pour cela que la donation de quelque relique faite au seigneur qui possédait Morcent ou Séquigny pendant le temps que le corps de cette sainte fut réfugié à Dravel, à cause des Normands, en 845 et 850; car il n'y a qu'une lieue de l'une à l'autre terre; et peut être que toutes les trois terres appartenaient à un même seigneur. Ne peut-il pas sa faire aussi que, pour ôter la connaissance du lieu où étaient cachés les ossements de sainte Geneviève, on les eût transportés à Dravel à l'autre côté de la Seine, dans le lieu fortifié qu'un titre du dixième siècle (une charte du roi Robert d'où sont tirés ces renseignements) appelle Murcinctus, abrégé de Murocinctus? Si l'origine de la chapelle de Sainte-Geneviève ne vient point de là, je ne vois plus d'où l'on puisse la tirer, sinon d'un bien que l'abbaye de Sainte-Geneviève de Paris avait proche cette forêt sur les bords de la rivière Orge."
La paroisse de Sainte-Geneviève des Bois paraît avoir été érigée vers l'an 1200 au plus tard; l'église est du treizième siècle. Les deux travées du chœur au moins et la tour terminée par un clocher en pyramide sont certainement de cette époque, à laquelle appartiennent aussi les restes de vitrage au fond du sanctuaire, représentant quelques traits de la vie de saint Vincent. 
"Il est étonnant, dit encore l'abbé Lebeuf, que cette église n'ait été dédiée que le dimanche 30 juillet 1679. De fut M. Louis-Antoine de Noailles qui en fit la dédicace la première et unique année qu'il fût évêque de Cahors. Il était fils du seigneur de la terre."
Sainte-Geneviève des Bois est célèbre par son pèlerinage. Les offrandes portées à son église étaient plus particulièrement de grosses souches de cire qui brûlaient jour et nuit en l'honneur de la sainte. Aujourd'hui encore des malades viennent demander leur guérison aux eaux d'une fontaine située dans le parc du château. De ce parc et du château bâti à la fin du treizième siècle, il ne reste que la grosse tour, les anciens fossés et un souterrain qui se prolonge sous les futaies environnantes jusqu'à une grande distance. L'abbé Lebeuf parlait déjà de ce manoir comme d'une ruine:


"La grosse tour ronde, qui est l'une des encoignures de l'avant-cour du château et dont le haut sert de colombier, est un édifice ancien et curieux. Cette tour, qui est environnée d'un fossé plein d'eau, était autrefois le château, et les seigneurs le trouvaient alors assez vaste pour eux. Au dessus du rez-de-chaussée était une petite chapelle qui est détruite depuis que l'on en a bâti une autre dans le nouveau château. Dans les trois étages au-dessus sont des logements que le seigneur habitait avec sa famille et ses domestiques. Il y a une cheminée construite de manière qu'elle sert aux quatre chambres. Le nouveau château a été construit par Antoine Boyer, conseiller au parlement de Paris, dont le buste est placé au-dessus  de la porte du vestibule. On voit, au bout du parterre, un portique sur les piliers duquel sont représentées en demi-bosse des nymphes qui versent de l'eau dans leurs urnes. On assure qu'elles sont du célèbre Jean Goujon, qui a fait celles de la fontaine des Saints-Innocents à Paris."
Les belles sculptures ont disparu. La vaste cheminée a été détruite et remplacée par un pilier qui porte le toit de construction plus récente, et la lanterne, d'où l'on jouit d'une vue admirable et d'où l'on aperçoit Paris.
"Il y a dans le château, dit encore l'abbé Lebeuf, une grande chambre, que l'on nomme la chambre du roi, parce que deux de nos rois y ont logés. En effet, en 1627, Louis XIII vint dans ce château, où il fut attaqué de la fièvre; ce qui ne l'empêcha pas d'y revenir en 1635. Deux ans après, un vacher de ce village, appelé Pierre Roger, vint annoncer à la reine Anne d'Autriche qu'il avait eu révélation de la part de Dieu qu'elle accoucherait le 4e de septembre; et de fait, dit l'historien, elle commença ce jour-là à sentir les douleurs et accoucha le lendemain de Louis XIV. Ce dernier prince, dans le temps de ses voyages de Fontainebleau, coucha plusieurs fois dans le château de Sainte-Geneviève, et l'on tient que ce fut pour son passage que l'on fit le chemin pavé qui traverse la forêt de Sequigny en ligne droite durant l'espace d'une grande demi-lieue."
Une fille de cet Antoine Boyer, que nomme l'abbé Lebeuf et qui construisit le nouveau château, épousa le marquis de Noailles, et la terre de Sainte-Geneviève resta longtemps dans le domaine de la famille. Elle appartenait en 1789, à Bertier de Sauvigny, intendant de Paris, massacré, au début de la révolution, avec Foulon, son beau-père. Il avait fait démolir l'ancien château et n'eut pas le temps de le reconstruire. L'architecte Cellerier avait aussi été chargé de jeter les fondements d'une nouvelle église, et il se proposait de la construire sur le plan adopté par Soufflot pour l'église Sainte-Geneviève à Paris. La construction fut deux fois interrompue: en 1789 par la révolution, en 1814 par l'invasion. Les assises, qui commençaient à sortir de terre, furent démolies, et les pierres enlevées et dispersées, comme l'avaient été les matériaux destinés à la reconstruction du château. Le Château de Sainte-Geneviève des Bois est encore aujourd'hui la propriété de la famille de Bertier.

(1) Il y a eu à la cour de Charlemagne un comte Seguin qui fut envoyé pour veiller à la sûreté de la ville de Bordeaux.

Magasin Pittoresque, 1866.

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