vendredi 4 juillet 2014

Episode de la vie des Juifs.

Episode de la vie des Juifs
                au moyen âge.


Lorsque Richard Cœur-de-Lion monta sur le trône d'Angleterre, il fit défendre à son de trompe à tous les Juifs qui se trouvaient à Londres d'assister à son couronnement qui devait avoir lieu à Westminster, le 3 septembre de l'année 1157. La crainte de quelque sortilège lui avait sans doute conseillé cette mesure.
Cependant l'usage des Orientaux est d'offrir des présents à chaque nouveau roi, le jour même de son couronnement, et quelques Juifs qui, peut être, ignoraient la proclamation, se rendirent au lieu de la cérémonie, et obtinrent du roi la permission de déposer leurs dons à ses pieds, en le requérant de consentir à ce qu'ils demeurassent dans sa terre comme ils l'avaient fait sous les rois ses prédécesseurs. Les misérables suppliants étaient reconnaissables à leur habit particulier, et surtout au bonnet jaune qu'on les forçait à porter. L'un d'eux fut frappé par un chrétien, et bientôt les courtisans tombant tous à la fois sur les Israélites, les entraînèrent hors du palais où ils leur firent subir toutes sortes d'outrages.
L'exemple fut contagieux. La populace de Londres et beaucoup de gens qui étaient accourus de loin pour voir le couronnement, crurent que le roi avait ordonné l'extermination des Juifs, et ces malheureux, hommes, femmes, vieillards et enfants, se virent assaillir avec fureur. Quelques familles crurent se sauver en se barricadant dans leurs maisons; mais la populace y mit le feu, et elles périrent dans les flammes.
Les principales villes du royaume imitèrent les excès de la capitale, et le sang des Juifs coula à flots sur presque tous les points du royaume. A York, quelques proscrits se réfugièrent dans le château, après avoir vu massacrer ceux de leurs frères qui refusaient de recevoir le baptême. Ils y firent une résistance désespérée; mais on allait leur donner l'assaut, et la nuit même qui devait le précéder, un de leurs rabbins (prêtres) leur parla en ces termes: "Hommes d’Israël, Dieu nous commande de mourir pour sa loi, comme l'ont fait jadis nos ancêtres. Si nous tombons entre les mains de nos ennemis, ils nous ferons cruellement souffrir. Rendons pieusement et volontairement à notre créateur cette vie qu'il nous a donné." Presque tous applaudirent. Alors les Juifs  mirent le feu au château; ils jetèrent dans les flammes leurs riches vêtements, leurs pierreries et leurs vases précieux, et Jocen, le plus riche d'entre eux, coupa le premier la gorge à sa femme. On suivit son exemple; et lorsque toutes les femmes eurent été ainsi sacrifiées, le même Jocen se tua le premier en signe d'honneur, et les autres l'imitèrent à l'exception de quelques malheureux auxquels le courage manqua, et qui, pris le lendemain par les assaillants périrent dans d'affreux supplices. Les billets que les chrétiens avaient consentis aux Juifs furent tirés des lieux où ceux-ci les avaient déposés, ils furent réduits en flammes; et ce fait semble attester que le fanatisme n'avait pas seul guidé les persécuteurs, ou du moins que l'on sut trop bien associer les intérêts personnels à ceux de la religion. 
Richard essaya vainement de faire poursuivre les coupables. La haine et le mépris qu'on portait aux victimes empêchèrent les effets de l'enquête. Trois chrétiens seulement furent condamnés, et encore ce ne fut pas à cause des cruautés qu'ils avaient exercées contre les Juifs, mais pour le dommage qu'en avaient souffert quelques Anglais.
L'horrible massacre dont nous venons de faire le récit n'est qu'un événement assez vulgaire de la vie des Juifs au moyen âge. Mis hors la loi et retranché pour ainsi dire de l'humanité, ce malheureux peuple allait errant par toute la terre, sans trouver une place où il pût reposer sa tête avec sécurité. Détesté des chrétiens, il leur rendit haine pour haine, et réservant pour le foyer domestique ce qui lui restait de vertus, ses ennemis ne connurent guère de lui que sa cupidité.

Magasin Pittoresque, 1838.

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