vendredi 11 juillet 2014

Ceux dont on parle.

Docteur Samuel Pozzi.

"Cher ami, je suis de Bergerac." C'est en ces mots que M. Le professeur Pozzi dévoile à ses admirateurs les lieux heureux qui virent naître Samuel et Cyrano.
Grand, mince, le regard ferme et doux, moustaches relevées, barbe vaporeuse que l'artiste capillaire tailla en pointe, Pozzi entre dans les salles de l'hôpital Broca, au milieu du murmure flatteur de ses malades: "Oh! qu'il est beau, ma chère, confie le n° 19. Si tu l'avais vu il y a vingt ans!" répond le n° 20.
Et c'est un plaisir, alors, de se laisser palper par les mains longues et enjôleuses de l'habile chirurgien.
Du reste Pozzi cherche à plaire à ses malades. Il fait pour elles des frais de toilette; sur son caleçon rose ou bleu pâle assorti de nuance à son jersey et à ses bretelles, il passe un pantalon d'un blanc immaculé, une blouse et un tablier pareils, et se coiffe d'un bonnet de police de velours noir doublé de satin rouge.
Sa voix se fait captivante, il murmure les "r", les enveloppe, les roule dans les syllabes, et sa phrase coule comme un ruisseau sur un lit de sable. Pozzi est plus qu'aimable, il est onctueux. Il promet toujours, quitte à donner ... un cas de force majeure s'il ne peut tenir. C'est un donneur d'eau bénite... sucrée. Il tient à plaire; sa figure s'éclaire lorsqu'il aperçoit sur le grand livre que garde jalousement son infirmière surveillante de nombreuses signatures de médecins étrangers, et, pour les séduire, il fait, comme professeur français, sa leçon en anglais ou en allemand. 
Lorsque tous les assistants sont empilés dans la salle d'opérations, le charmeur Pozzi se double d'un agile opérateur. 



Les doigts nerveux disparaissent dans le ventre, s'y démènent, coupent et escamotent la tumeur au nez des assistants. L'opération a duré dix minutes; on recoud et là est le triomphe de Pozzi: petite incision, suture intradermique: la plastique est respectée.
Dans son service, il est défendu de pleurer et les malheureuses sortent toujours avec un petit pécule remis par la surveillante et que Pozzi a su extraire des belles visiteuses qui viennent le matin répandre quelque odeur suave dans cette atmosphère iodoformée.

                                                                                                  Dr Adrien Monfrère.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 30 août 1903.

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