lundi 30 juin 2014

Vertus miraculeuses.

Vertus miraculeuses
attribuées à certaines eaux.


On connaît l'histoire de la mère d'Achille, plongeant son fils dans les eaux du Styx pour le rendre invulnérable. 
Ceux qui allaient consulter l'oracle de Trophonius, en Plocide, devaient boire d'abord à deux sources: l'une appelée fontaine d'Oubli ou du Léthé, leur faisait perdre la mémoire; l'autre nommée fontaine de Mémoire ou de Mnémosyne, la leur faisait recouvrer.
Vibius Sequester raconte fort sérieusement des fables non moins singulières. A l'en croire, quiconque s'était baigné neuf fois dans le lac Triton, en Thrace, était changé en oiseau. Un fleuve du pays des Cicones pétrifiait jusqu'aux entrailles de ceux qui osaient s'y désaltérer. La rivière Crathis, aux environ de Sybaris en Grande-Grèce, teignait les cheveux en blond ou en roux (aurei coloris). Les eaux du fleuve Gallus, en Phrygie, inspiraient un délire fanatique. Le Lynceste, en Thrace, énivrait; le Clitor, en Arcadie, dégoûtait du vin. Vibius s'écarte moins de la vraisemblance quand il rapporte que le lac Amsanctus, en Lucanie, faisait mourir les oiseaux par ses exhalations, et que le fleuve Aniger, en Elide, chassait par son odeur ceux qui essayaient de s'en approcher.
Selon Pline (II,106) le fleuve Falisque, en Etrurie, a la propriété de blanchir le poil des bœufs. Le Mélas, en Béotie, et le Pénée, en Thessalie, rendaient les brebis noires; le Céphise les rendait blanches, et le Xanthe fauves, d'où lui venait son nom. Les eaux du Styx, en Arcadie, étaient un breuvage mortel, ainsi que trois sources voisines de Librose, en Tauride. Une fontaine située sur le territoire de Carrinum, en Espagne, rejetait tout ce qu'on essayait d'y plonger. Mucianus prétendait, au rapport même de Pline, qu'il y avait dans l'île d'Andros, auprès du temple de Jupiter, une source dont les eaux prenait le goût du vin le 5 janvier de chaque année.
Il faut encore mettre au nombre des eaux prétendues merveilleuses celles que les anciens croyaient douées d'une vertu prophétique. A Colophon, dans l'antre consacrée à Apollon Clarien, se trouvait, toujours suivant Pline, une eau qui abrégeait les jours de ceux qui en buvaient, mais leur communiquait en revanche la faculté divinatoire. C'est dans ce sanctuaire que Germanicus, suivant Tacite, reçut l'avis prophétique de sa fin prématurée (annales II, 54.) Le devin de Colophon, bien qu'illettré, rendait ses oracles en vers, et en beaux vers, d'après Tacite. On sait que les fontaines Hippocrène et Castalie passaient aussi pour inspirer les poètes. D'ailleurs, ce n'était pas seulement par voie d'inspiration que les eaux rendaient leurs oracles ainsi, la fontaine de Dodone révélait l'avenir par son murmure à une vieille prêtresse chargée uniquement d'interpréter et de transmettre ses réponses. (Servius, sur l'Enéïde, liv. III, v. 466.) Il y avait à Patras une fontaine qui passait pour fournir des pronostics infaillibles au sujet des malades. On attachait à une ficelle un miroir que l'on mettait en contact, par ce moyen, avec la surface de l'eau. Puis, après avoir invoqué les dieux et brûlé de l'encens en leur honneur, on regardait le miroir, où se montraient alors les traits de la personne à laquelle on s'intéressait, morte ou vivante, suivant l'issue future de sa maladie. (Pausanias, VII, 29.) On consultait la fontaine d'Apone, voisine de Padoue, au moyen de dés qu'on jetait dans ses eaux transparentes: le point obtenu servait de réponse. (Suétone, Tibère, chap. 14.)

Magasin Pittoresque, 1866.

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