mardi 3 juin 2014

Le drame de l' "Etoile de la mer".

Le drame de l' "Etoile de la mer".

Un drame particulièrement douloureux vient de se passer sur la Manche en vue des côtes britanniques. 
Vers neuf heures du soir, il y a quelques jours, un bateau-pêcheur, portant le n° 2.208 du port d'Etaples, l'Etoile de la mer, s'était avancé un peu plus qu'il n'était convenable, selon les lois qui régissent le droit de pêche, du côté des rives anglaises. Un garde-pêche anglais la Léda, rencontra l'Etoile de la mer à moins de trois milles marins de l'Angleterre et lui signifia de se rendre. 
Il y allait pour le patron français, M. Delattre d'une contravention fort importante s'il ne filait pas à toutes voiles. Il fila. La Léda lui donna d'abord la chasse, puis tira dans la direction du bateau boulonnais, un coup de feu à blanc. L'Etoile de la mer fila plus vite. Alors, à l'aide de projecteurs électriques, le croiseur anglais suivit le bateau français et tira dessus à balles. L'homme à la barre, Jules Loth, beau-frère du patron fut tué raide, à la suite de quoi l'Etoile de la mer se laissa prendre.
Au demeurant voici le récit du patron Delattre, adressé au commissaire de l'inscription maritime.
"Je soussigné, Delattre (Jules), patron du lougre de pêche, l'Etoile de la mer, n° 2.208, attaché au port d'Etaples, viens vous déclarer que:
"Je suis sorti d'Etaples, mardi 8 courant, vers midi, beau temps, vent de partie nord-nord-est, pour faire le métier de chalut.
"Vers 9 heures du soir, nous avions notre chalut dehors, à environ trois milles au large dans le sud de la Rye. Vers 10 heures, nous venions de haler notre chalut à bord et avions le cap sur France, quand une canonnière anglaise, Léda, nous envoya ses projections électriques. Une baleinière se détacha du croiseur et fit force rames sur nous; ce canot ne pouvant nous gagner tira deux ou trois coups de feu sur nous. Le croiseur à vapeur anglais se dirigea sur nous tirant à balles dans notre direction; chaque fois que ce croiseur s'approchait de nous, il envoyait une décharge. Nous avons changé la direction de notre bateau chaque fois pour tenter de l'éviter. A la troisième fois, le croiseur passa à tribord de nous, ayant toujours cap en France; à ce moment, pour éviter l'abordage, je fis virer cap en France.
"A ce moment, revenant sur nous par tribord, les deux bateaux étant côte à côte, il envoya sur l'arrière de nous une décharge à tir plongeant qui blessa un homme et tua un malheureux jeune homme de dix-neuf ans, soutien de famille.
"Vis-à-vis de cet accident, je fis amener les voiles et me rendis prisonnier. La baleinière du croiseur arriva à bord avec une remorque et le médecin du bord qui avait été appelé par nos cris.
"Le médecin constata la mort de mon infortuné beau-frère et je m'embarquai avec lui sur la baleinière pour me rendre, d'après les ordres reçus, devant le commandant anglais... "



Le patron Delattre a été condamné à une forte amende par le tribunal de Folkestone.
Le commandant anglais, proclame que le lougre était imprenable, et qu'on s'est contenté de tirer dans la mâture, ce qui semble plutôt improbable.
Il apparaît donc que nous sommes en présence d'un véritable, mais hypocrite assassinat.

La Vie Illustrée, 24 août 1899.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire