La procession des heureux époux.

La procession des heureux époux.

Dans cette étrange Angleterre, où le respect des vieux usages, bons ou mauvais, permettait, il n'y a pas encore longtemps, la vente des femmes au marché et les mariages clandestins à la forge de Gretna-Green, on raconte que jadis les seigneurs avaient coutume de décerner, aux époux heureux et vertueux, un singulier prix.

Le mari et la femme qui, après un an et un jour de mariage, pouvaient affirmer sous serment, sans s'exposer à être contredits, qu'ils avaient vécus parfaitement satisfaits l'un de l'autre, avec honnêteté et en paix, se présentait à l'église devant un jury composé de douze célibataires (six hommes et six femmes) ; on leur lisait une vieille formule de serment en vers:

"Jurez devant Dieu que depuis que vous êtes mariés vous n'avez commis l'un envers l'autre aucune offense en pensée, en parole ou en action; que jamais il n'y a eu de dispute entre vous; que depuis le moment où le clerc de la paroisse a dit Amen à votre messe de mariage, vous n'avez jamais regretté d'avoir été unis; que vos mains peuvent se joindre et se serrer en ce moment avec la même tendresse et la même confiance que lorsque vos lèvres ont prononcé devant le prêtre le Oui solennel!"

Après ce serment des époux, on leur donnait un jambon; puis on les faisait asseoir sur un siège de bois munis de brancards, réservé pour ces cérémonies. On les portait en triomphe autour de l'église, à travers les rues; l'intendant, les principaux officiers du seigneur, les douze jurés et une foule d'habitants marchaient derrière sur deux rangs, au son des instruments; on agitait en l'air des drapeaux et d'autres signes; le jambon jouait aussi son rôle à l'extrémité d'un grand bâton; les chants, les acclamations retentissaient de toutes parts.

La dernière procession de ce genre paraît avoir eu lieu dans le comté d'Essex, à Dunmow, le 20 juin 1751. Un tisserand de la paroisse de Weathersfield, nommé Thomas Shakshaft, et sa femme, furent les joyeux héros de cette fête, qui avait attiré un nombre extraordinaire de spectateurs. Une gravure assez grossière en a consacré le souvenir.

Dans les récits contemporains, on trouve la remarque railleuse que le prix du jambon n'avait été décerné que six fois à Dunmow depuis l'origine de la coutume, en l'année 1111.

Magasin Pittoresque, 1851.