mercredi 11 juin 2014

En villégiature chez des amis.

En villégiature chez des amis.


De qui peut-on accepter une invitation?

Lorsque des amis vous invitent à passer quelques jours en villégiature dans leur campagne, il ne faut pas accepter étourdiment. On ne doit pas aller s'installer chez ceux dont la maison est trop étroite, les ressources trop modestes, et pour qui la présence d'hôtes supplémentaires est une gêne et une charge.
Il ne faut pas non plus accepter l'hospitalité luxueuse de personnes très riches auxquelles on ne peut rendre une invitation analogue; à moins qu'on ne rende d'autres services à ceux qui vous invitent. On accepte guère que l'hospitalité offerte par des amis intimes ou de proches parents dont l'affection est éprouvée; à ceux-là, on est toujours sûr de faire plaisir, par sa présence.

Ce qu'on doit emporter avec soi.

Les bagages à emporter sont proportionnés à la durée du séjour et au genre de vie que l'on doit mener; il serait de mauvais goût d'éblouir des hôtes modestes par des toilettes somptueuses ou de gêner des personnes riches par des costumes trop simples. Il faut, au minimum, un peignoir, un costume trotteur, une toilette de ville, un corsage de dîner. Il faut se munir de tous les objets de première nécessité qu'il serait indiscret d'emprunter à ses hôtes; du fil, des aiguilles, du savon, du papier à lettres, etc. De même, on prend une petite pharmacie usuelle: acide phénique, ammoniaque, teinture d'iode, alcool de menthe, cachets d'antipyrine, de phénacétine, et autres médicaments dont on se sert habituellement.

Comment se faire un "home" dans sa chambre.

La bonne éducation exige que l'invité ne s'installe pas chez ses hôtes comme un enfant dans sa propre famille; tout en prenant part à la vie commune il doit se faire, dans sa chambre, un home agréable dans lequel il demeure chaque fois qu'il craint d'être indiscret, quand ses hôtes sont occupés, fatigués, ou quand ils ont à recevoir des visiteurs;
Dans sa chambre, il peut lire, écrire, peindre, travailler, fumer, se reposer sans être importun ou incommode; c'est là qu'il se retire de temps à autre afin que sa présence ne soit pas lassante par sa continuité.
Cette chambre devient votre "home", vous pouvez accrocher quelques aquarelles aux murs; cependant vous ne devez pas, sans raison grave, en changer la disposition, car vous indiquez par là qu'elle n'a pas été bien préparée pour vous recevoir.

Les devoirs de l'intimité.

L'invité doit s'efforcer de rendre sa présence aussi agréable que possible; il doit être gai, plein d'entrain; il dit des choses aimables, fait des récits amusants (en s'inspirant de ceux de Mon Dimanche) ; il se prête à tous les jeux sans jamais manifester de mauvaise humeur.
Il doit cacher ses petites manies, sacrifier ses habitudes et se plier gracieusement au genre de vie de ses hôtes. Dans une maison où le personnel est restreint, on doit s'ingénier à rendre quelques services; les uns peuvent arroser le jardin, faire la cueillette des fruits; une jeune fille peut confectionner un plat nouveau; elle peut aussi offrir de coudre, de chiffonner un chapeau, d'aider un enfant à faire ses devoirs de vacances, etc... Mais tous ces services doivent être rendus gaiement, comme si l'on y prenait un grand plaisir.
L'intimité peut révéler quelques secrets de famille: les faux cheveux d'une vieille tante ou le passé douteux d'un parent; il faut faire semblant de ne rien avoir deviné.

Les parties de plaisir.

Dans le désir de mettre de l'entrain, un invité ne doit par organiser des parties de plaisir qui seraient un surcroît de dépenses pour ses hôtes. S'il le fait, ce doit être en prenant à sa charge tous les frais; il peut préparer une petite expédition en voiture ou en automobile, une visite pédestre à des ruines, etc. mais il s'assurera discrètement, à l'avance, que cette offre ne doit pas blesser ceux qui la reçoivent.
Lorsqu'on sort, et qu'on prend des rafraîchissements, une voiture, des gâteaux, c'est à lui de les payer s'il les a offerts, aussi doit-il toujours prévenir son hôte, sans ostentation, et les offrir avant lui.
S'il fait une course à la ville voisine, il peut de même rapporter des bonbons, un pâté, un plat quelconque, pourvu que ce soit une spécialité du pays, une curiosité, afin que la maîtresse de maison ne puisse croire que ses menus paraissent insuffisants.

Les domestiques.

On ne doit point trop user des domestiques pour qui la présence d'un étranger est un surcroît de besogne; dès l'arrivée, on s'efforcera de se rendre compte des habitudes du service ordinaire et on s'y pliera sans rien dire. Tous les soirs, on met à sa porte ses chaussures, ses vêtements à brosser; on quitte sa chambre à l'heure où la bonne peut la faire, on y laisse régner aucun désordre.
On ne réclame des domestiques aucun service extraordinaire ou personnel, on ne leur adresse pas de reproches, on ne leur donne pas d'ordres; en partant, il convient de leur dresser un pourboire réglé sur un moyenne de 50 à 75 centimes par jour.

La durée du séjour.

La durée du séjour doit être bien déterminée à l'avance; en acceptant l'invitation,on doit la fixer d'après des considérations diverses dont la plus sérieuse est la forme même de l'invitation elle-même. Cette durée étant établie, il ne faut ni la diminuer ni l'augmenter sans raison grave; partir plus tôt qu'il n'est convenu sous un prétexte futile indiquerait que le séjour dans la maison hospitalière vous a déplu, c'est vrai peut être, mais il est de mauvais goût de le laisser deviner. Prolonger son séjour est indiscret; il ne faut y consentir que sur des instances réitérées.

Le départ.

Pour la même raison, on ne doit manifester ni de la joie, ni un grand désespoir de s'en aller; un peu d'émotion, une affectueuse reconnaissance suffisent.
On part à l'heure qui convient le mieux à ses hôtes, on ne dérange pas une partie organisée, on ne mobilise pas tous les domestiques à l'occasion de son départ.

Comment on s'acquitte.

Lorsqu'il y a des enfants dans la maison où l'on se rend, on peut apporter quelques cadeaux: poupée, jeu de croquet, meubles de jardin, voiturettes, etc. On peut aussi apporter un bibelot à la maîtresse de maison, mais ce n'est point ainsi que l'on s'acquitte de la dette contractée.
Si sa position de fortune, son genre de vie permettent à celui qui a été reçu d'inviter à son tour la famille ou l'un des membres de la famille hospitalière, il se libère de la sorte; sinon, il s'acquitte à la façon des célibataires, c'est à dire qu'au nouvel an suivant, il offre un cadeau. Le donner plus tôt serait un empressement maladroit.
Ce cadeau doit être un objet de prix; durant son séjour dans la maison amie, il a pu se rendre compte aisément du genre d'objets qui serait bien accueilli, bronze ou vase précieux.
Les cadeaux artistiques peuvent être offerts par tout le monde, les cadeaux utiles ne s'offrent qu'aux intimes.
Dans les trois ou quatre jours qui suivent le départ, on doit écrire une lettre de remerciements affectueux qui témoigne de tout le plaisir qu'on a éprouvé pendant le séjour.

                                                                                                             Tante Rose.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 2 août 1903.


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