Paul Deschanel.
"Vite! vite! vite! le petit Deschanel promis!" écrivait Victor Hugo, de Jersey, en 1855, à M. Emile Deschanel, qui venait de se marier à Bruxelles, où il partageait l'exil d'Alexandre Dumas et autres adversaires de l'empire. Il avait épousé une des auditrices des conférences très goûtées qu'il faisait là-bas: quarante-six ans plus tard, une autre auditrice essayait de lui brûler la cervelle. Il faut croire que M. Emile Deschanel n'a plus les mêmes séductions qu'autrefois.
Lorsque le petit Deschanel fut arrivé, son père célébra sa naissance par une pièce de vers qu'il adressa à sa femme, et où j'ai cueilli la strophe suivantes/
Oui! le ciel te doit la victoire,
O fille et mère exquise!... Un jour
De ton cher fils la jeune gloire
Couronnera ton tendre amour!
Manière délicate d'annoncer à la jeune mère, avec toutes les précautions nécessaires, que Paul ne tarderait pas à être Président de la Chambre des députés.
Il s'y prépara en s'exerçant à la parole pendant le temps qu'il faisait son droit. Il eut successivement trois sous-préfectures entre les mains et fit ses débuts à la Chambre comme député de l'Eure-et-Loir; ses discours et ses cheveux également bien peignés, sa voix agréable et ses opinions bienveillantes lui acquirent de suite une certaine notoriété. Depuis lors, il a changé d'affection, mais non pas de circonscription.
C'est pour M. Paul Deschanel, nul ne l'ignore, qu'a été faite, au temps où il était sous les drapeaux, la célèbre chanson:
Bien attifé, propr'comme un sou,
Qu'il est gentil, mon petit pioupiou!
Il m'a été malheureusement impossible de savoir dans quel régiment cet ardent patriote avait appris le métier militaire, et je donnerais volontiers ma place sous le soleil, pendant les mois d'été, à celui de mes lecteurs qui me l'indiquerait.
En 1898, à quarante-deux ans, M. Paul Deschanel fut élu Président de la Chambre: peu après, il entra à l'Académie et, étant ainsi devenu un personnage national, il comprit qu'il ne pouvait rester dans l'état peu considéré de célibataire.
Le croirait-on? M. Paul Deschanel n'a reçu du gouvernement que les palmes et la croix de chevalier de la Légion d'honneur; cela, plus encore que l'élégance de ses manières, dénote une fierté d'esprit méritoire.
Plusieurs de ses discours ont fait sensation: en 1886, prenant la parole pour la première fois, il défendit les intérêts de l'agriculture; plus tard, il dénonça les abus de la Marine. On assure qu'il prépare, de concert avec M. Hanotaux, un projet de loi aux termes duquel les enfants naturels seraient nourris aux frais de l'Etat.
Jean-Louis.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 28 juin 1903.
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