vendredi 18 octobre 2013

Le bien être chez soi.

Comment on s'amuse à peu de frais.

Le dîner des jours gras.

Il est bien rare qu'en cette période de folie du carnaval, chaque famille n'ait pas son dîner de fête.
On se réunit surtout entre parents, entre amis, entre intimes; comme il est attendu que la gaieté est la principale attraction du programme, on a soin d'exclure les fâcheux et les poseurs qui trouvent de bon ton de ne s'amuser nulle part et...d'ennuyer les autres.
Choisissons donc pour convives des gens gais et bien portant, disposés à rire de nos fantaisies, à faire honneur à toutes nos surprises et à admirer sans réserve la belle ordonnance de notre table.

La table.

Celle-ci, d'ailleurs, a été soignée à leur intention; sur la table s'étend une belle nappe damassée rose pâle; une corbeille de fleurs, étroite et allongée, orne le milieu: elle est garnie du bruyères, de jacinthes, de cyclamens blancs et roses, qu'agrémentent des choux de satin vert.

Les ornements.

A chaque extrémité de la corbeille, se faisant pendant, sont des vases très bas dans lesquels on a planté des papillotes disposées en bouquets; on a soin de choisir des enveloppes en papier léger,  rose pâle.

Les confettis.

Sur la nappe, à l'endroit laissé libre entre le milieu de table et les assiettes et les verres qui l'entourent, on a semé une foule de confettis de tons multiples. Ceux-ci sont simplement des pastilles de menthe colorées dont chaque convive pourra prendre sa part au moment du dessert.

Le dessert.

Le dessert, composé de fruits et de gâteaux, sera disposé sur quatre assiettes à pied montés. On y mélangera adroitement un nombre égal de gâteaux et de fruits semblables en imitation. Certaines maisons de Paris ont la spécialité de ces sortes de surprises: on y trouve des éclairs, des choux à la crème, des tartelettes, des petits-fours, si bien qu'ils vous font venir l'eau à la bouche. Les invités se prendront sans peine à cette surprise. Rien n'est amusant comme de voir un convive s'acharner à découper le fruit qui résiste et à plonger sa cuiller dans une crème qui se dérobe.

Fromages de carnaval.

Le fromage, brie ou coulommiers, sera admirablement imité par un gâteau de biscuit poudré de sucre; tous les pâtissiers connaissent le secret de cette surprise.
N'oublions pas le plat de résistance de rigueur: la galantine truffée que l'on sert entière et décorée d'une superbe tête de dinde.

Les entremets.

L'entremets est une superbe crème fouettée montée en pyramide sur laquelle on a tendu un tulle invisible de même teinte, qui opposera une légère résistance aux premiers assauts de la cuillère.

Le champagne.

Le champagne se servira au même moment dans des coupes au pied desquelles on a attaché des grelots dont la musique de folie accompagnera chaque mouvement du verre.

Les papillotes.

La distribution des papillotes qui se fera après l'entremets, achèvera de compléter la gaieté soulevée par le champagne. A l'intérieur de ces enveloppes de papier, les convives trouveront des costumes et des coiffures en papier multicolore dont ils se pareront immédiatement.

Domestiques travestis.

Les domestiques qui circulent autour de la table sont aussi costumés; si c'est une femme de chambre, on lui fera endosser un costume de cuisinier; le domestique sera en livrée avec perruque de Jocrisse rousse à cheveux plats.

Les crêpes.

Les crêpes, les beignets des jours gras ne se servent plus guère dans les dîners bien ordonnés.
Pourtant, jeunes filles, si vous voulez trouver le fiancé rêvé; jeunes femmes, si vous désirez conserver l'époux parfait; jeunes hommes, si vous souhaitez le bonheur constant pour 1903, apprenez à faire sauter la crêpe du carnaval.
Si, ainsi que le veut la légende, elle retombe dans la poêle neuve sans accident, vous êtes assurés de la réalisation de tous vos désirs.
Cela vaut bien un petit effort d'adresse.

                                                            Mardi gras, ne t'en va pas,
                                                    Nous ferons des crêpes et t'en auras !

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 22 février 1903.


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