mardi 15 octobre 2013

DONG-KHAN, roi d'Annam.

Dong-Khan, roi d'Annam.


S. M. Dong-Khan, dont un télégramme de notre résident général à Hué, a annoncé la mort le 30 janvier dernier, était âgé de 25 ans seulement. C'était un fils adoptif de Tu-Duc et le frère aîné utérin de Kien-Phuoc; il succéda à ce dernier sur le trône d'Annam, en août 1885. On sait à la suite de quelles dramatiques circonstances.




Avant son couronnement, Dong-Khan habitait une résidence isolée appelée Mong-Decong; il y vivait assez retiré, se livrant avec passion à l'étude de la littérature, de la poésie chinoise et de la philosophie de Confucius. Il quitta à regret ses travaux littéraires, mais n'hésita pas à sacrifier ses tendances personnelles au bonheur de son peuple.
A l'époque où le général de Courcy le traitait trop ouvertement en vassal, son attitude était plutôt réservée, mais elle se modifia totalement vis à vis du général Warnet, de Paul Bert, à qui il avait voué une affection filiale, et de ses successeurs. Il déclara maintes fois à M. le capitaine d'infanterie de marine Halais, qui fut son confident pendant quelques mois, qu'il n'oublierait jamais la dette contractée vis à vis de la France.
Dong-Khan, chez lequel l'amabilité et l'enjouement n'excluaient pas l'énergie, , recevait, contrairement aux usages de la cour, les français à sa table; ses réparties étaient fines et il étudiait avec soin le caractère de chacun de ses convives. A plusieurs reprises, il fit ressortir la versatilité de notre politique coloniale; aussi bien, a-t-il dû perdre, dans les derniers temps, beaucoup de ses illusions à notre égard.
L'anecdote suivante donne la mesure du tact dont le roi savait, à l'occasion, faire preuve. Dans le courant de 1886, un jeune sous-lieutenant, fraîchement débarqué, se croyant en pays conquis, força la porte qui donnait accès sur le jardin du palais réservé aux femmes. Le roi, qui se trouvait là, n'ayant pu décider l'intrus à se retirer, l'escorta dans sa promenade à travers l'enceinte réservée; il expliqua plus tard à ses intimes qu'il avait agi de la sorte pour laisser croire aux témoins de cette scène regrettable que le sous-lieutenant avait été invité par lui pour visiter les jardins du palais.
Sans vouloir approfondir ici le mystère de cette fin inattendue, nous ne pouvons nous empêcher de la rapprocher de la mort récente de son beau-père, Nguyen-Hu-Do, président du Comat, le fonctionnaire indigène le plus dévoué à la cause française. Nous rappellerons également que Dong-Khan exprima souvent la crainte de finir comme ses prédécesseurs, c'est à dire par le poison. En effet, l'entourage était resté le même, et les serviteurs qui approchent le souverain sont presque tous les espions et les instruments du parti des lettrés.
Dong-Khan avait auprès de lui un frère qu'il chérissait et qui partageait ses vues; ce frère, qui doit être âgé de 18 ans aujourd'hui, étudiait notre langue et comptait venir terminer son éducation à Paris. Beaucoup de personnes, parmi celles qui suivent les choses de l'Indochine, s'attendaient à le voir succéder à Dong-Khan; mais le conseil secret et les mandarins réunis viennent d'élire un prince de 10 ans, Bun-Lan, fils de Tu-Duc, qui régnera sous le nom de Than-Thaï.
Notre dessin, reproduit d'après une photographie de la collection du Dr Hocquart, chirurgien militaire, représente Dong-Khan sur le trône royal.

                                                                                              Charles Wehrung.

Journal des voyages, dimanche 10 mars 1889. 


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