jeudi 17 octobre 2013

Ceux dont on parle.

Paul Hervieu.

M. Paul Hervieu n'est au monde que depuis quarante cinq ans, et il a le regard d'un homme qui aurait vécu des siècles et qui se serait lassé de promener ses yeux sur le spectacle décourageant du monde.



Qui n'a pas vu les lèvres de M. Hervieu  ne connaît pas les plis de l'amertume. Que dis-je ! les lèvres ! Il n'y a pas une parcelle de son visage où l'expérience n'ait creusé ses rides. Lorsque que vous cessez d'aimer ce qui vous plaisait, vous dites, "j'en suis revenu". Cet académicien est revenu de tout, et de partout, avant d'y avoir été. Il est revenu du ministère des Affaires étrangères, car il se destinait d'abord à la carrière diplomatique, et, lorsqu'il donna sa démission, à vingt quatre ans, il venait d'être nommé secrétaire de la légation de France au Mexique. Mais on ne démissionne pas impunément du ministère des Affaires étrangères: M. Hervieu a gardé de son contact avec la diplomatie la gravité de sa démarche, la rigidité de son sourire, la grâce pompeuse de ses gestes, et notamment cette manière délicate et nonchalante de tourner la tête pour prêter l'oreille à ses divers interlocuteurs.
Après avoir quitté le ministère, M. Hervieu fit des chroniques, des nouvelles, des romans, mais il est revenu de tout cela, et il s'est mis à écrire pour le théâtre; d'abord des pièces modernes, traitant de questions sociales. Les questions sociales semblaient passionner M. Hervieu: il en est revenu, pour écrire une anecdote: L'énigme et une pièce historique: Théroigne de Méricourt. Il reviendra certainement du théâtre historique, en regrettant cette incartade, et ce sera pour continuer, entre des murailles sombres et austères, son existence impassible, sans déranger un cheveu de son crâne, ni un muscle de sa face, ni un battement de son coeur.

                                                                                                               Jean-Loius.

mon Dimanche, revue populaire illustrée, 22 février 1903.

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